Les Echos : Les entreprises doivent se former à la guerre économique

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lundi 4 mars 2019

Après le livre témoignage de Frédéric Pierucci, Le piège américain, qui raconte la guerre du droit subit par Alstom en raison de l’extraterritorialité du droit américain, c’est une autre entreprise qui vient de subir cette attaque, le groupe Safa, qui a vu l’arrestation de l’un de ses cadres. La guerre économique est une réalité, les entreprises doivent s’y former.

Que ce soit par l’utilisation du dollar dans les transactions financières ou l’usage d’adresses Gmail, les entreprises européennes peuvent tomber sous le coup de la loi américaine. Il est urgent de prendre conscience de cette guerre du droit et d’y répondre pour conduire une réponse graduée et coordonnée qui prenne en compte la réalité de la guerre économique et y former ses cadres et ses salariés. On peut toujours espérer que l’Union européenne prenne des mesures politiques, mais compte tenu de son apesanteur sur ses sujets, il est à craindre qu’il faille attendre longtemps. La réponse peut venir de façon rapide et décisive des entreprises, d’une part par des déclarations solennelles des chefs d’entreprises, d’autre part par des adaptations au sein des entreprises elles-mêmes.

Former ses salariés

Trop orientées sur leur cœur de métier et la satisfaction des besoins de leurs clients, beaucoup d’entreprises ne prennent pas en compte les réalités géopolitiques du monde. Nombreux sont les salariés qui ne sont pas informés des réalités de la guerre économique et des mesures à prendre pour l’affronter. De même, il y a souvent une méconnaissance des différences culturelles et juridiques des différentes zones mondiales où les salariés interviennent, ainsi que des contraintes politiques. Or l’environnement stratégique, géopolitique et culturel des pays clients des entreprises est complexe et ne cesse d’évoluer. On ne commerce pas de façon identique au Maroc ou en Égypte, en Chine ou au Japon. Connaître et maîtriser les différences culturelles de ces pays est indispensable à la réalisation d’échanges de qualité.

C’est bien la complexité du monde qu’il faut appréhender, afin de prendre en compte les risques sécuritaires et politiques. Les entreprises devraient se doter de cellules d’analyse géopolitique et de guerre économique, car, comme toutes les guerres, la guerre économique évolue et ses armes mutent. Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera plus dans cinq ou dix ans. La réactivité est essentielle afin de ne pas avoir une guerre de retard et de mener bataille en 1940 comme en 1918.

Unir la réflexion à l’action

La France dispose de nombreux atouts que les entreprises peuvent largement développer. La réflexion stratégique militaire peut s’appliquer sur bien des points à la réponse à apporter à la guerre économique. Encore faut-il en maîtriser les outils et les armes, comme la cartographie des acteurs et le bon usage des sources ouvertes ; toutes ces données de l’intelligence économique qui sont de sérieux atouts à faire prospérer. La France dispose également d’une école de géopolitique qui fut l’une des premières à se créer en Europe et qui s’est considérablement déployée et vivifiée depuis les années 1970. Revenue dans les faveurs de l’Université, la géopolitique est désormais une méthode reconnue et travaillée. Associer géopolitique et entreprises est donc possible, tant dans la réflexion intellectuelle et stratégique que dans l’action économique et commerciale. Reste à prendre conscience de la nécessité de faire face à cette nouvelle dimension de la politique économique et à unir le monde de la réflexion à celui de l’action.

Article publié dans Les Echos

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