Le procès de Jeanne d’Arc

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lundi 2 juin 2014

Pour un historien le retour aux textes est parfois déconcertant, déconcertant parce qu’il balaye les plus solides montagnes établies pour imposer un regard nouveau et plus juste de la réalité. Les minutes du procès de Jeanne d’Arc nous montre la complexité de cet événement qui est d’abord et avant tout un grand procès politique. Jeanne a l’intime conviction de tenir sa mission de Dieu qui l’éclaire par le biais de ses voix, celles de sainte Catherine et sainte Marguerite, qui la guident et l’encouragent. Quelle est la mission de Jeanne ? Restaurer le roi Charles VII sur le trône, seul souverain légitime, et libérer le territoire français de la présence anglaise.

Savez-vous si saintes Catherine et Marguerite haïssent les Anglais ?
Elles aiment ce que Notre Seigneur aime et haïssent ce que Dieu hait.
Dieu hait-il les Anglais ?

- De l’amour ou haine que Dieu a pour les Anglais, je ne sais rien. Mais je sais qu’ils seront boutés hors de France, excepté ceux qui y mourront ; et que Dieu enverra victoire aux Français, et contre les Anglais. Après l’examen des pièces du dossier et l’interrogatoire de Jeanne les juges sont obligés de conclure à son innocence. De cela les Anglais n’en veulent pas. Le roi d’Angleterre a besoin que Jeanne soit condamnée pour hérésie pour décrédibiliser le roi de France : si Charles VII doit son trône à une hérétique et une schismatique alors, implicitement, cela signifie qu’il est lui-même hérétique et schismatique, et que donc le trône peut revenir au roi d’Angleterre. Pour les Anglais la condamnation de Jeanne est une nécessité pour faire main basse sur la France. Les actes du procès montrent comment les Anglais ont fait pression sur les juges pour qu’ils la condamnent. Lors d’une ultime tractation l’évêque de Beauvais a obtenu que Jeanne reconnaisse sa soumission à l’Eglise, ce qui la lave de tout soupçon d’hérésie et la laisse libre. Les Anglais réagissent vivement à cette volte face : Les Anglais, furieux, menaçaient les docteurs et les évêques en levant sur eux leurs épées. On leur criait que le roi d’Angleterre avait bien perdu son argent avec eux. Et Warwick se plaignait de l’indulgence de monseigneur Beauvais. Jeanne est reconduite en prison et surveillée, non par les hommes d’Eglise mais par les Anglais. Elle a repris son habit de femme. Or les soldats anglais tentent, à plusieurs reprises, d’attenter à son intégrité. Pour éviter cela elle abandonne ses habits de femme et remet des habits d’homme. Les juges prennent alors prétexte de ce revirement (elle avait juré de ne plus mettre d’habit d’homme) pour la condamner comme relaps. Cette condamnation est très grave car elle la conduit directement au bûcher.

Quand et pourquoi avez-vous repris habit d’homme ?
J’ai naguère repris habit d’homme, et laissé habit de femme. (. . .)
Pour qu’elle cause l’avez-vous repris ?

Pour ce qu’il m’était plus licite de le reprendre et avoir habit d’homme, étant entre les hommes, que d’avoir habit de femme. Je l’ai repris pour ce qu’on n’a point tenu ce qu’on m’avait promis, c’est à savoir que j’irais à la messe et recevrais mon Sauveur, et qu’on me mettrait hors de fers. Les Anglais m’ont fait ou fait faire en la prison beaucoup de torts et de violences quand j’étais vêtue d’habits de femme. (Elle pleure) J’ai fait cela pour la défense de ma pudeur, qui n’était pas en sûreté en habit de femme avec mes gardes, qui voulaient attenter à ma pudeur. Je m’en plains grandement. Une des raisons de sa condamnation est son combat pour préserver sa pureté. L’évêque conclu :
Vous êtes donc hérétique obstinée et rechue.
Si vous, messeigneurs de l’Eglise, m’eussiez menée et gardée en vos prisons, par aventure ne me fût-il pas advenu ainsi.

Cela entendu, nous n’avons plus qu’à procéder plus outre, selon ce qui est de droit et de raison. Avant de mourir Jeanne demande à se confesser et à recevoir l’eucharistie. On demande à l’évêque Jean Cochon son accord, or celui-ci fait une réponse surprenante :
Dîtes à frère Martin qu’il lui baille le sacrement d’eucharistie, et tout ce qu’elle demandera ! Réponse stupéfiante car comment peut-on donner l’eucharistie à une personne que l’on a reconnue pour hérétique ? Il est légitime de penser que si Jean Cochon a autorisé Jeanne d’Arc à recevoir ce sacrement, c’est que lui-même est convaincu qu’elle est innocente. Mais la machine judiciaire est lancée à une vitesse qui dépasse les hommes. Après le bûcher Jean Tressart, secrétaire du roi d’Angleterre, dira :
Nous sommes perdus ! Nous avons brûlé une sainte ! Jean Alespée, chanoine de Rouen, et un des juges, avouait le jour même :
Je voudrais que mon âme fût où je crois qu’est l’âme de cette femme.

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