La voiture, témoin des changements technologiques

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dimanche 24 août 2014

Jean Fourastié faisait déjà remarquer à quel point les Français, obnubilés par les crises, n’arrivent pas toujours à prendre conscience des changements technologiques heureux survenus dans leur vie. Les vacances d’été et les grandes migrations routières qui les accompagnent, permettent de se souvenir de ce qu’était la voiture il y a une vingtaine d’années, et ainsi de prendre conscience des changements technologiques majeurs qu’elle a connus. Qui se souvient encore que dans les années 1990 il fallait retirer l’autoradio de la voiture quand on la garait, de peur que celui-ci soit volé ? Aujourd’hui, les radios sont vendues de série, et elles sont incrustées dans le tableau de bord, si bien qu’il ne vient plus à l’idée de les voler. Puis ce fut l’arrivée de la climatisation, au tournant des années 2000. D’abord rare, elle fut longtemps un produit d’appel pour les constructeurs qui proposaient des offres refroidies avant l’été. La climatisation est, à son tour, de série, si bien que l’on a perdu la notion d’un voyage d’été réalisé au sein d’un habitacle surchauffé. La sécurité routière y a beaucoup gagné. Enfin, troisième innovation majeure, le GPS. Quel gain de temps, de sécurité aussi quand le conducteur solitaire n’a plus besoin de se contorsionner pour regarder la carte. Gageons que d’ici peu le GPS sera à son tour de série.

On pourrait poursuivre la liste en évoquant l’ABS, les airbags et la direction assistée ; et bien sur les vitres électriques et la fermeture centralisée des portes. Avancée technologique majeure aussi avec l’arrivée du téléphone dans les voitures. Autrefois limité à une élite, désormais tout le monde peut téléphoner en conduisant grâce à un kit mains libres souvent de série, qui permet de connecter son téléphone via Bluetooth. À l’heure où l’on fête le centenaire de Louis de Funès, force est de constater que la DS, voiture de luxe et voiture phare des films de l’acteur, est aujourd’hui complètement obsolète comparée à la moindre voiture d’entrée de gamme. On s’est tellement habitué à ces révolutions technologiques silencieuses qu’elles nous paraissent tout à fait normales. Aujourd’hui, pour réparer une voiture, il faut davantage être informaticien que mécanicien.

La route sécurisée

L’amélioration de la conduite est également visible dans les enrobés routiers. Les nouveaux matériaux utilisés, souvent issus de produits de synthèse dérivés du pétrole, permettent de construire des routes qui absorbent le bruit et les vibrations, et qui éliminent plus aisément l’eau en cas d’orage. Admirez une autoroute sous une pluie violente : non seulement les essuie-glaces chassent l’eau avec une célérité remarquable, mais en plus la piste reste sèche, diminuant d’autant les risques d’aquaplaning. À cela s’ajoute les progrès considérables apportés à la conception des pneus, véritable bijou technologique. Plus adhérent, repoussant l’eau, et bientôt increvable, le pneu est le compagnon ignoré des voyages sécurisés.

La voiture attaquée

Mais plus les voitures sont devenues sures et écologiques, moins il y avait de morts sur les routes (16 545 morts en 1972, 3 250 en 2013), et plus le discours sur la voiture s’est transformé. Nous quittons là l’histoire technologique pour entrer dans le domaine de l’histoire des mentalités. Autrefois célébrée comme un objet de liberté, la voiture est désormais attaquée et présentée comme un objet de mort. Ceux qui ont rêvé, dans leur enfance, avec James Dean et la route de Memphis, veulent désormais, devenus adultes, chasser la voiture de nos vies.

Au nom d’un écologisme mal compris, la voiture est systématiquement chassée des centres villes depuis une quinzaine d’années. Cela n’est pas sans conséquence géographique sur les territoires : en privant les villes de circulation, les entreprises et les activités s’installent en périphérie, provoquant une déflation économique des centres urbains. La parole de l’État se fait sournoisement moraliste : l’automobiliste est présenté comme un pollueur ou un assassin potentiel. En quelques décennies, l’État a réussi à modifier le regard porté sur la voiture : elle n’est plus l’instrument de la liberté, mais le fardeau de celui qui ne peut répondre à l’injonction civique d’utiliser les transports en commun. Conséquence de cette politique de destruction de l’automobile, la voiture haut de gamme est le seul secteur du luxe où la France n’est pas présente, alors qu’elle rayonne dans les parfums, la haute couture et le vin. Et l’automobile, qui génère un emploi sur dix en France, connaît une longue déflation dont on ne voit pas comment elle pourrait en sortir. À moins que, de nouveau, le discours public reparle des victoires technologiques remportées par la voiture, et que le plaisir de conduire soit remis au centre des routes de l’été.

Chronique publiée sur le site de L’Opinion.

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