La vie en rose

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dimanche 4 août 2019

Le rosé a mauvaise presse, trop associé au vin de l’été, un vin facile, bu trop froid, mal accompagné, avec des vignerons et des restaurateurs qui gonflent leurs marges. Trop populaire peut-être le rosé. Il a remplacé le gros rouge quand les vacanciers se sont substitués aux ouvriers. On en boit, on l’aime, mais on n’ose pas le dire : un plaisir coupable. En été, réhabilitons le rosé. D’abord pour sa robe, qui oscille entre l’œil de perdrix, la rose fraiche et le teint poupin. Le rosé dans son calice fait varier les couleurs de la carnation : fleur de pêche et pelure d’oignon, saumon, framboise, cerise ; la palette semble s’étire en fonction des cépages employés et des méthodes de vinification. Puisque l’été est plus calme, on peut prendre le temps d’admirer les couleurs changeantes du vin selon l’inclinaison du verre et la lumière du jour. Ensuite pour sa fraîcheur. Quand il fait chaud, on aime boire frais pour se désaltérer. Laissons les vieux bordeaux à la cave pour les gibiers d’hiver et savourons la fraîcheur des rosés.

Un seau à glace, des glaçons et de l’eau fraîche, une serviette blanche posée sur la bouteille pour absorber l’eau. Le vin sort ses accessoires de plage et de terrasses, lui aussi s’adapte aux saisons. Peu importe le goût, la couleur et la fraicheur font ici l’affaire. La France, c’est 25% de la production mondiale de rosé et la Provence 5% à elle seule. À côté des vins pour vacanciers se trouvent des terroirs de grande allure. Aix et Les Baux-de-Provence, Bandol, le Var et Bellet, sur les hauteurs de Nice. La Camargue et son vin des sables étant protégés du phylloxera, elle permet la culture de plants de vigne non greffés. Une curiosité ampélographique que l’amélioration de la qualité rend aujourd’hui gustativement intéressante.

Beaucoup plus au nord, en Champagne, on trouve un autre rosé historique, celui du vignoble des Riceys, qui est le seul vin tranquille au pays des effervescents. Enclave bourguignonne en Champagne, le rosé des Riceys est produit avec du pinot noir. Les paysages se déclinent en mamelons et festons de forêts et de vignes. Le Jura produit le vin corail, obtenu par macération de plusieurs cépages rouges. C’est un rouge léger ou un rosé profond, selon l’angle de vision.

Le rosé n’est pas un mélange de blanc et de rouge (sauf pour certains champagnes), mais un vin issu de cépages rouges, soit par saignée soit par pressurage. Dans le premier cas, le vigneron retire le jus à peine macéré, donc rosé, ayant été peu coloré lors de la fermentation. Dans le second cas, le vin est pressé en cuve pneumatique ce qui permet souvent une plus grande complexité aromatique.

Les poissons grillés au feu de bois accompagnent très bien les rosés, comme les sardines. Ou encore les pans-bagnats de la plage, au pain et aux légumes imbibés d’huile. La bouteille plongée dans un ru ou une source fraîche palliera l’absence de seau à glace. Ou bien une glacière électrique branchée sur l’allume-cigare ; moins romantique, mais plus efficace. Rosé, mer bleue et soleil. Vive les vacances !

Chronique parue dans L’Incorrect

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