La sainte ignorance 4/4

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lundi 10 mars 2014

L’acculturation comme domination

La globalisation se fait dans le prolongement du colonialisme, et le débat sur les valeurs est aussi un débat sur le pouvoir et le développement d’un humanitaire musclé, héritier des missions du XIXe siècle. Mais les résultats de la globalisation vont au-delà des problématiques de pouvoir et d’aliénation.
En Amérique latine les indiens ont été vaincus, mais ils n’ont pas été acculturés, ils ont dû accepter la culture et la religion du vainqueur.
En Amérique du Nord il n’y a pas eu de conversion, les indiens ont été refoulés et parqués et beaucoup sont morts.

Les noirs américains ont créé une religion hybride et syncrétiste, qui associe des éléments du christianisme à des éléments de la religiosité africaine.

Mais qu’est-ce que le syncrétisme ? C’est la marque d’un regard extérieur qui désigne une religion qu’il ne comprend pas. Pour les adeptes du vaudou, le vaudou n’est pas un syncrétisme mais une religion à part entière. Cela signifie que l’on fait une distinction entre religion noble (non syncrétiste) et religion non-noble (syncrétiste).

Beaucoup sont incapables de pensée la religion en dehors des termes de l’aliénation. On est par exemple convaincu que les filles qui portent le voile sont aliénées, que celui-ci leur est imposé, par leurs pairs, bien sûr masculin. Or, c’est rarement le cas. Les filles voilées le sont volontairement, et cela est incompréhensible à beaucoup. Pourquoi accepte-t-elle cette aliénation ?
Le christianisme est-il encore occidental ?

Nombreuses sont les églises chrétiennes nées en Afrique qui aujourd’hui s’implantent en Europe, notamment dans les milieux immigrés. Ce sont toutes des églises protestantes et charismatiques. Or ces nouveaux chrétiens sont beaucoup plus stricts sur les affaires de morales. De même, nombreux sont ceux qui refusent le dialogue avec les autres religions. Le passage au Sud annonce une plus grande rigueur morale.

Le marché du religieux : métaphore ou réalité ?

« Ce concept de marché, emprunté à l’économie, postule, contrairement aux théories de l’acculturation, qu’il y a d’abord une demande de religieux qui cherche ce qui est disponible sur le marché. » (p. 205-206)

Les consommateurs choisissent leur marché, et ils ne sont pas captifs.

« Comment les biens religieux peuvent-ils circuler ? Précisément parce qu’ils sont détachés de leur origine culturelle. La culture rend le bien inconsommable en dehors de sa sphère culturelle, à moins bien sûr que l’on s’attaque à la culture indigène elle-même. La création d’un marché homogène du religieux suppose la déculturation du religieux, c’est-à-dire la séparation des deux marqueurs. Or le marché et la mobilité imposent cette séparation, parce que le consommateur peut choisir. Le marché suppose l’affaiblissement de la contrainte sociale et même la perte de l’évidence sociale. Il rend l’homme libre de son choix et fait que les autorités religieuses ne peuvent imposer leurs choix, sinon au risque de perdre leurs clients. Le retour du religieux contemporain n’est en rien un retour, mais une conséquence de la mondialisation. » (p. 209)

Les conditions du marché

Les nouvelles religions jouent beaucoup sur la réalisation de soi, ce qui est en somme très moderne. Elles ne gardent pas l’ancrage culturel, sauf pour avoir un vernis exotique qui permet d’attirer plus de monde. Elles jouent sur des référents imaginaires.

« La déculturation ne signifie pas le renoncement aux marqueurs culturels, mais leur maniement en dehors de toute réalité sociale. » (p. 220)

L’Eglise a insisté sur la territorialité avec la paroisse, qui a ancré des populations dans un territoire. A tel point que dans beaucoup d’endroits la paroisse est devenue une entité administrative. Les nouvelles religions sont déterritorialisées : elles ne sont plus liées à un territoire mais à un groupe d’hommes. Les pèlerinages sont aussi une façon de marquer le territoire et de le mailler. Avec l’Eglise, le territoire est construit et pensé. Avec les nouvelles religions il n’y a plus de territoire, il y a seulement des lieux où l’on peut pratiquer le culte.

Aujourd’hui dans l’Eglise la communauté est en train de remplacer la paroisse. Les prêtres comme les fidèles sont mobiles, ils peuvent se déplacer facilement. Le territoire n’est plus aussi important.
Un nouveau territoire se crée et se développe avec internet. Les prestations religieuses peuvent y être délivrées.

Chez les catholiques, la religiosité populaire est surtout mariale. Or Marie est ancrée dans un territoire. Il y a des processions, des pèlerinages.
Chez les protestants, la religiosité populaire est liée à l’Esprit Saint. Or l’esprit souffle où il veut. Le territoire n’a plus d’importance, l’église non plus : on peut prier dans un stade.

Ce qui se joue dans le pèlerinage, c’est bien la territorialisation du religieux.

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