La fondation de l’abbaye de Cluny (909)

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samedi 21 décembre 2013

“Il est clair pour tous ceux qui ont un jugement sain que, si la Providence de Dieu veut qu’il y ait des hommes riches, c’est afin qu’en faisant un bon usage des biens qu’ils possèdent de façon transitoire ils méritent des récompenses qui dureront toujours. […] Pour accomplir ce projet, il n’est pas meilleur moyen ni de plus facile que d’observer la parole du Christ : « les pauvres je m’en ferai des amis », et donc d’aider par mes richesses une entreprise non pas éphémère mais durable des hommes qui ont fait profession monastique. C’est pourquoi sachent que tous ceux qui vivent dans l’unité de la foi et dans l’espérance de la miséricorde du Christ, ainsi que ceux qui viendront après eux jusqu’à la consommation des siècles, que, pour l’amour de Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, je donne de ma propre autorité des biens qui sont ma propriété aux apôtres Pierre et Paul : à savoir le domaine de Cluny situé sur la rivière de Grosne, avec sa cour, sa réserve et sa chapelle dédiée à Marie, la sainte mère de Dieu, et à saint Pierre, prince des apôtres, avec tout ce qui en dépend en fonds, chapelles, serfs de l’un et l’autre sexes, vignes, champs, près, bois, plans d’eau et cours d’eau, moulins, voies d’accès et de sortie, terres cultivées et incultes, le tout en intégralité. Ces biens, avec leurs limites connues, sont sis dans le comté de Mâcon et alentour. Je les donne aux susdits apôtres, moi Guillaume, comte et duc, et mon épouse Engelberge, d’abord pour l’amour de Dieu, ensuite pour le repos de l’âme de mon seigneur le roi Eudes et pour celui de mon père et de ma mère, ainsi que pour le mien et celui de mon épouse, pour le salut de nos âmes et nos corps, pour Ava, qui m’a laissé ces biens en héritage, pour le profit des âmes de nos frères, de nos sœurs, de nos neveux et de tous nos proches de l’un et l’autres sexes, de nos fidèles qui sont à notre service, et aussi pour le progrès et l’intégrité de la religion catholique. Plus encore, puisque nous sommes unis à tous les Chrétiens par une unique charité et une unique foi, nous faisons cette donation pour le profit de tous les croyants des temps passés, présents et futurs.

Je fais ce don stipulant qu’un monastère régulier devra être construit à Cluny en l’honneur des saints Pierre et Paul, dont les moines vivront en communauté selon la règle du bienheureux Benoît. Qu’ils possèdent, tiennent, aient et ordonnent ces biens perpétuellement et que soit ainsi établi en cet endroit un asile de prières où s’accompliront fidèlement les vœux et les oraisons. Que soit ainsi recherché et poursuivi, avec la volonté profonde et une ardeur totale, le dialogue avec le ciel. Que des prières, des demandes et des supplications y soient sans cesse adressées au Seigneur tant pour moi que pour tous ceux dont j’ai précédemment évoqué la mémoire. Nous recommandons que notre donation offre un asile perpétuel à tous ceux qui, sortis pauvres du siècle, n’apportent rien avec eux qu’une bonne volonté ; ainsi notre superflu deviendra leur abondance. […]

Il nous plaît aussi d’insérer dans cet acte une clause en vertu de laquelle les moines de Cluny ne seront soumis au joug d’aucune puissance terrestre, pas même à la nôtre ni à celle de nos parents ni à celle de la majesté royale. Au nom de Dieu et, en Lui, de tous ses saints, nul prince séculier, aucun comte, aucun évêque, pas même le pontife du siège romain, ne pourra porter atteinte aux biens de ces serviteurs de Dieu, ni en les amputant, ni en les échangeant, ni en les donnant partiellement en bénéfice, ni en établissant sur eux et contre leur volonté une quelconque autorité - ou alors, qu’il prenne garde au terrible Jugement et ait souci de ne pas le mépriser.”

Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, t.1, Éd. A. Bernard, A. Bruel, Paris, 1876, p. 124-128. Trad. L. Albaret.

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