La Tourraine, par René Boylesve

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samedi 9 septembre 2017

Un texte sur la Touraine de l’Académicien français René Boylesve. Pour en savoir plus sur cet auteur nous vous invitons à consulter sa fiche sur Wikipédia.

La Touraine par René Boylesve *

LE JARDIN DE LA FRANCE

COMME Ronsard, nous allons faire « le voyage de Tours ». Nous ne le ferons pas en vers. Je n’en ai point à ma disposition qui vaillent ceux du poète vendômois :

C’était au mois d’avril, Francine, il m’en souvient, Quand tout arbre florit, quand la terre devient De vieillesse en jouvence, et l’estrange arondelle Fait contre un soliveau sa maison naturelle.

Nous risquerions, sur ces douze pieds, si alertes qu’ils soient, de trouver l’excursion un peu longue. Cependant, si j’ai prononcé le nom d’un poète, ce n’est pas sans dessein. J’ai voulu donner à entendre qu’à défaut du rythme inimitable, nous tâcherions, tout en cheminant sur un si beau sol, de conserver un peu de cet esprit méditatif, sensible au vol d’un oiseau comme au parfum des fleurs ou à la couleur de la terre et se mouvant au gré de la fantaisie, enfin, qui est le contraire de l’esprit prosaïque. Mais il y a encore autre chose. Je ne suis point du tout un savant. Aussi nul ne s’étonnera de me voir négliger, en parlant de la Touraine, l’étude, par exemple, de l’ « ère vindébonienne », à savoir celle où « la mer tertiaire du myocène moyen ouvrait un golfe jusqu’au centre du Blésois (1) » ; de me voir négliger « la Touraine de l’époque falunienne (c’est-à-dire d’un temps où la Loire n’existait pas !) et où les rivières qui devinrent l’Indre, le Cher et la Vienne, se déversaient ou dans un lac ou dans un bras de mer (2) »… Laissons ces sinistres visions primitives : je me refuse à voir Chinon station balnéaire, et les savoureux coteaux de Saumur bancs de sable perfides ; quant à l’admirable Loire, si, par hasard, il fut un temps où elle n’était pas, c’est bien celle-là qu’il fallait inventer ! J’aurais bien mauvaise grâce aussi à prétendre me substituer ou m’adjoindre aux excellents écrivains qui ont donné de la Touraine des monographies érudites, placées aujourd’hui entre toutes les mains : travaux d’Ardouin-Dumazet et de Bosseboeuf, de Mgr Chevalier, de MM. André Hallays, Paul Vitry, Louis Dumont, Henri Guerlin, Auguste Chauvigné, Jacques Rougé et combien d’autres. Quel mauvais guide je ferais pour la visite des châteaux ! Ignorant, distrait, indifférent à l’essentiel, puis pâmé tout à coup devant tel détail qui risque fort de n’intéresser personne. Alors, quel rôle reste-t-il à un homme de ma sorte, si ce n’est de faire part de mes rêveries de promeneur ? Je vous demande de vouloir bien vous contenter de cela. Permettez-moi alors de vous dire tout haut ce que je pense, lorsque je retourne au pays qui m’est le plus cher, et ne m’en veuillez pas trop s’il m’arrive - et vous vous doutez que cela arrivera - de mêler volontiers ma personne, suivant la manière des poètes, aux lieux à qui je dois tout. ° ° °

Je ne me suis pas engagé à parler de la Loire avec impartialité. On ne parle pas plus froidement de la petite patrie que de la grande. Encore, si la mienne était admirée sans conteste, peut-être adopterais-je pour la décrire un ton plus réservé, comme il convient de le faire en traitant des puissances établies ! Mais la Loire, avec toute sa grande renommée, a bel et bien des détracteurs ; et les personnes sont nombreuses qui demeurent indifférentes au génie divin couché dans ses roseraies. Victor Hugo a écrit, en juillet 1843 (3) :

« On a beaucoup trop vanté la Loire et la Touraine… Une eau jaune et large, des rives plates, des peupliers partout, voilà la Loire. Le peuplier est le seul arbre qui soit bête… Il y a pour mon esprit je ne sais quel rapport intime, je ne sais quelle ineffaçable ressemblance entre un paysage composé de peupliers et une tragédie écrite en vers alexandrins. Le peuplier est, comme l’alexandrin, une des formes classiques de l’ennui. »

Voilà une opinion, et de poids. Beaucoup m’ont aussi dit, et me disent tous les jours :

 Votre Loire, oui ; mais c’est monotone, c’est gris, ça n’offre pas de ces surprises qui, tout à coup… Etc…

Et le personnage a l’air de regretter de ne point y avoir constaté d’éruption volcanique… N’avez-vous pas reconnu dans ces objections les termes mêmes qu’emploient les étrangers, et nombre des nôtres, hélas ! pour exprimer leur incompréhension de…, de qui, s’il vous plaît ?... Mais de notre grand Racine ! Ainsi, dès notre premier pas, nous voilà, encore une fois, en pleine querelle des romantiques et des classiques ! La tragédie en alexandrins, c’est la Loire ; le drame de cape et d’épée, avec ses accessoires pittoresques, ce sont les monts, les neiges éternelles, les précipices, les solfatares, l’Océan, les Planètes, que sais-je encore ! c’est Hugo. Hugo avait toutes les raisons possibles de ne point aimer la Loire. Par contre, la Loire, nous l’entendons chanter par Du Bellay, par Ronsard, par La Fontaine, par le chevalier de Méré, par Mme de Sévigné, par Jules Lemaître. Si l’on formait une petite Société composée des amis de la Loire, on y reconnaîtrait toute une famille d’esprits qui ne sont nullement effrayés par l’alexandrin tragique et qui, bien au contraire, trouvent tous les jours quelque beauté et profondeur nouvelles chez l’auteur de Bérénice. On oppose à la Loire le Rhône torrentueux, le Rhin légendaire ou la Seine si jolie, comme à Racine, sans cesse, on opposera Shakespeare. J’aime, pour ma part, Shakespeare, et la Seine, et le Rhône et le Rhin, et aussi Hugo ; mais je soutiens que si la France possède deux trésors de style qui n’appartiennent vraiment qu’à elle et où se retrouve le plus pur de sa grandeur simple, de sa claire intelligence, de son sens souverain de l’harmonie, de son tranquille dédain de l’ornement superflu, ces deux trésors sont Racine et la Loire.

Je me crois autorisé à nommer la Loire, et sa vallée si caractéristique, parmi nos génies nationaux, - je veux dire parmi ceux qui sont représentatifs et qui inspirent le plus durablement. Je me plais à croire qu’elle fut là de tout temps, chez nous, au centre même de notre pays, comme un signe qui devait être un jour déchiffrable et qui, enfin traduit, devait laisser cette inscription lisible sur la ceinture de la France : « pays équilibré ».

Ce qui ne veut pas dire « pays dénué de passion », car alors la France serait inhumaine ; cela ne veut pas dire : « pays bien sage et de toute sécurité », car songez aux inondations soudaines de ce fleuve à l’air endormi ! Cela veut dire que, parmi toutes les choses extrêmes que conçoit fatalement l’humanité active, inquiète ou délirante, la France, fluctuante, divisée, déchirée en îlots comme la Loire, arrive toujours à se faire un lit, vaste et aisé, et où tout homme, de quelque origine qu’il soit, se repose, rêve, pense et dort - un peu mieux qu’ailleurs. ° ° °

Avez-vous jamais aperçu de loin la vallée de la Loire ? Quand on va quitter les plaines de la Beauce, sur la route de Châteaudun, par exemple, entre les chaumes, et que l’on est sur le point d’atteindre la ville de Blois, tout à coup, à l’horizon, comme une frise au-dessus d’une tenture aux tons neutres, paraît un long ruban bleuâtre qu’on prendrait pour la ligne de la mer, n’était sa flexuosité à peine indiquée, mais sensible. Alors, on sent qu’on pénètre dans un autre pays, et ce pays nouveau est un jardin. On respire, on espère, on subit le charme de ce qui, était encore lointain, se laisse apercevoir à l’état de mirage et flatte l’imagination un peu de la même manière que le fait la musique. Ce n’est pas la Loire elle-même que nous voyons encore, mais les collines boisées de sa rive gauche : elles ont une douceur, une grâce, une vénusté dans leur quasi-irréalité et dans leur fuite qui attire notre pensée vers de séduisantes images ; ce que nous apercevons, mais ne serait-ce point de longues écharpes de voile, animées par un peuple de fées qui court à quelque fête de nuit dans les châteaux ?...

Le premier contact avec la Loire a ceci d’original qu’il ne vous arrache ni le cri d’admiration obligatoire devant les grands paysages convenus, ni les moyennes épithètes de beauté que nous donnons sans ménagement à tout cours d’eau d’importance. Cette vue ne nous confond point, ne nous exalte pas, ne nous inquiète en aucune manière, - cette vue ne bouleverse rien en nous, si ce n’est nos habitudes d’admirer, car, au lieu de produire le choc qui, d’ordinaire, donne l’essor à nos facultés d’enthousiasme, elle semble, elle, ordonner l’apaisement, régler les battements du coeur, évoquer l’Incessu patuit Dea de Virgile, ou de Beethoven les premières mesures de l’andante de la Ve Symphonie. Une majesté, une majesté si bien consacrée et si pure qu’elle dédaigne les trompettes, l’habit, la couronne ; une puissance qu’aucun tapage n’annonce ; on la reconnaît à son pas.

Enigmatique avec cela, quoique si fort éloignée de vouloir l’être : en effet, on la sent incontestablement grande, et on la surprend tout à coup ramifiée en plusieurs bras fluets ; est-elle eau ? est-elle sable ? est-elle forêt ? On se le demande. Vous l’avez traversée sur un pont de quatre cents mètres, et voilà, un peu plus loin, un enfant qui la passe à pied sec. Ah ! mais, cette grisaille nonchalante et tremblante doit recouvrir quelque secret…

Outre la beauté du fleuve que nous suivons sur une de ces « levées » qui l’endiguent et lui interdisent tout écart, une des premières choses qui nous frappent en pénétrant en Touraine, c’est l’architecture.

Êtes-vous sensibles à l’architecture ? Il importe que vous le soyez ! Tout le monde devrait se préoccuper de cet art. Et ce n’est pas assez que de dire à ses compagnons de voyage :

 Cette bâtisse est horrible !... Quelle monstruosité !... Quelle folie !... Quelle platitude !...

Chacun devrait se plaindre publiquement d’avoir eu la vue offensée. Ce serait le devoir de la presse d’accueillir les gémissements de l’opinion publique touchant l’art qui contribue le plus à former sur nous le jugement sommaire de l’étranger.

Quand on a traversé la banlieue de Paris, - et comme elle est étendue, à ce point de vue, la banlieue de Paris ! - et qu’on arrive aux confins de la Touraine, il y a pour l’oeil un soulagement bien bon : l’oeil est ravi par la ligne de la plus modeste toiture. C’est simple, c’est élégant ; cela n’a aucune prétention ; et c’est cela qui vous a l’air « vieille race » ! D’où vient que presque à chaque pas l’on se dise :

 Ah ! que j’aimerais habiter ici ! ° ° °

Si l’on me demandait d’attribuer à Tours une épithète qui pût accompagner constamment le nom de cette ville exquise dans quelque composition du genre homérique, je laisserais nettement de côté, pour une fois, rillettes et pruneaux ; je dirais : « Tours, la ville bien bâtie. » Peu d’étages, presque point d’ornements, mais un goût sûr, un sens des proportions, une prédilection pour la beauté des ensembles, voilà ce dont une ville française pouvait se contenter il y a moins d’un siècle, et voilà la belle discipline esthétique qui a été observée ici presque jusqu’à nos jours, c’est-à-dire jusqu’au moment où la crédulité au grandiose et au « riche » est venue se substituer à l’antique bon sens qui ne va jamais sans quelque modestie.

Ce ne sont pas tant les monuments publics qui me renseignent sur l’état d’esprit des hommes, que leurs demeures privées. Rien ne vaut, pour le vrai curieux des moeurs, la flânerie au ras du sol et la causette dans la rue avec la vieille assise au pas de sa porte ou le propriétaire qui fait sa promenade digestive sous les ormes du Mail.

Ah ! que j’aime à leur parler, à ces petites et basses maisons de Tours en pierre tendre, égalisée, et qui sera toujours blanche ! et qu’elles savent me raconter des choses sur l’existence silencieuse et retirée des gens qui les habitent ! Horreur du clinquant et du bruit, attachement aux vieilles habitudes, économie, économie !... Que de conseils affectueux elles m’ont donnés jadis ! « Reste en paix… Vis de peu… Ne cherche pas midi à quatorze heures… C’est en vain qu’on se hausse pour attraper la lune… » Etc., etc… Sages avis que je me suis empressé de ne pas suivre. Je leur demande un peu pardon, aujourd’hui, quand je passe, dans leurs rues tranquilles, et interroge non sans timidité le regard de leurs façades pareilles comme des soeurs. Je les entends :

 Pourquoi nous as-tu quittées à vingt ans ?...

Voulez-vous me permettre, puisque nous passons ensemble dans la ville que j’aime entre toutes, de vous confier un souvenir personnel touchant une de ces maisons ?

Il s’agit d’une des plus humbles et dans la plus humble rue. Rue de la Bourde ! c’est tout dire. Là, il y avait autrefois, vis-à-vis d’un grand porche, une maison sans figure sur la rue, mais qui était assez aimable du côté d’un jardinet tout fier d’un beau magnolia, de fusains épais, de géraniums, de pétunias et de sorbiers aux baies rouges. C’est là que j’ai fait vivre une respectable et vieille demoiselle, dévote fameuse, grande idéaliste, irréductible, intransigeante, qui s’était mis en tête de rebâtir l’énorme basilique de Saint-Martin, c’est-à-dire tout ce qui se pouvait faire de plus beau pour le Seigneur, et qui se trouva en lutte avec l’esprit moderne, prosaïque et pratique, lequel se chargea de faire entendre à mon héroïne que le temps n’est plus, hélas ! de faire ce qu’il y a de plus plaisant à notre gré, mais seulement ce que l’économie politique nous permet d’exécuter ; autrement dit, c’était le choc de l’idéalisme contre la dure réalité. Dans tous les coins de la France, et même à l’étranger, on m’a affirmé que ma vieille demoiselle vivait, qu’elle avait vécu, qu’on la reconnaissait aisément ; et l’on m’a souvent donné son nom, ses innombrables noms. Elle s’appelait comme ceci à Montpellier, comme cela à Clermont-Ferrand, et à Saint-Brieuc de telle autre manière. - Il n’y a que moi qui n’aie jamais connu la vieille demoiselle ; et je serais bien en peine de lui donner un autre nom que celui que j’imaginai pour elle, en l’imaginant tout entière dans cette petite maison de la rue de la Bourde où j’ai habité, moi, garçon de quinze ans, et non pas elle, où j’ai connu les premiers chocs du rêve et de la vie : la vieille demoiselle, c’était moi !

Tours me paraît une ville inspirée par le génie de la Loire. Épandue tout à plat sur un vaste champs, entre son fleuve et ses magnifiques boulevards qu’elle déborde pour ne se laisser arrêter que par les collines qui délimitent l’ancien lit du fleuve, elle a le goût des perspectives sans fin. L’avenue de Grammont, la rue Nationale, le Pont de Pierre, la Rampe de la Tranchée, en ligne droite, ont plus de cinq kilomètres. - Elle a le goût de la ligne sobre, et n’admet l’opulence que dans les frondaisons de ses magnifiques arbres ; elle est spacieuse, sans accident de terrain, sans relief remarquable à première vue, et, cependant, elle ne ressemble à aucune autre ville ; et elle a, dans sa physionomie, certain sourire qui attire et retient, et qui la gardera toujours de paraître ordinaire. Elle enserre comme des îlots précieux son Hôtel Goüin, sa cathédrale, sa Psalette, son quartier gothique ; enfin, elle s’unit au fleuve paternel par un pont de cinq cents mètres de longueur, de quinze mètres de largeur, et qui lance quinze arches en travers du plus beau paysage, chaque pile portant en haut-relief la colonne cannelée à la sphère, marque de l’époque Louis XVI. Théophile Gautier note que ce pont « n’a rien d’extraordinaire ». Evidemment, il n’est pas rompu au milieu de sa course, comme celui d’Avignon !... et que la Touraine a donc peu de chance avec les Romantiques !... Mais puisque ce pont, qui n’a rien d’extraordinaire, est un bon et solide pont, intact et allant jusqu’au bout de son devoir de pont, en dépit des goûts romantiques, franchissons-le. ° ° °

Un beau matin d’octobre dernier, vers dix heures, je suis parti de Tours, en automobile, par ce pont qui prend son élan entre les statues de Descartes : la Raison, et de Rabelais : la Liberté de l’esprit. Je ne suis jamais passé en cet endroit sans ressentir un frisson d’émotion esthétique et intellectuelle. Et, avec le grand philosophe, avec le grand écrivain, tout le paysage et l’architecture contribuent à me le fournir.

Au pied des coteaux de Saint-Cyr, entre les arbres du bord de l’eau et les maisons blanches, nous roulons vers Luynes, vers Cinq-Mars et Langeais. Les maisons blanches s’espacent peu à peu ; elles deviennent d’importantes résidences, au milieu des parcs aux ombrages touffus, puis des closeries au milieu de vignes au terrain incliné que surmonte une falaise basse, percée de noires ouvertures : les celliers dans le tuffeau, et déjà les habitations de troglodytes. Il n’est pas rare de voir derrière la haie vive qui ébouriffe le front de la falaise creusée et en plein vignoble, une cheminée émergeant de terre, et qui fume. Viennent, ensuite, des maisons dont on ne voit, de la route, que le premier étage et le toit, parce qu’on leur a bouché la vue en construisant la levée qui les préserve de la soudaine et redoutable irruption du fleuve aux airs nonchalants.

A main gauche, c’est la Loire qui se pavane en toute sa splendeur. D’ici jusqu’au-delà de Saumur, et vers les Ponts-de-Cé, elle atteint la plantureuse ampleur de la maturité. Elle a reçu le Cher ; elle est immense : elle a des bras nombreux, de grasses îles aux oseraies gorgées de sève, qui attirent le regard charmé et presque la caresse de la main. Ses sables ont l’air plus blonds ; ils sont plus élégamment allongés et de grain plus fin ; les îles qu’ils forment, flattées par un flot somnolent, évoquent ici de longs tapis de repos, à reflets d’or, au pied du lit de quelque Belle dormante, et là, à mesure que s’intensifie l’idée du calme absolu des choses, elles font penser à je ne sais quels archipels enchanteurs, dans le pays chimérique de la Paix… Le moins imaginatif des voyageurs les rêve foulés par le talon des ondines. « Et le troupeau nymphal des gentilles Naïades », dit Ronsard. Et, au-dessus des oseraies et des saules, et non seulement près de nous, mais jusqu’à l’horizon lointain, s’élèvent les peupliers de Loire, c’est-à-dire les gerbes composées par le plus prodigieux des artistes floraux. Les peupliers des îles de Loire n’ont rien de ces rangées d’escogriffes au port d’armes que l’on voit ailleurs au bord des rivières, ni de ces tristes baliveaux, gardiens de propriétés rurales, auxquels on ne laisse sur le chef qu’un plumeau dérisoire. Les peupliers de Loire sont là pour la joie des yeux ; ils s’offrent en groupes dispersés ; la richesse de leur feuillaison les charge du pied à la cime ; et ils poussent avec une liberté, une irrégularité heureuses, qu’un grand peintre, seul, semble avoir pu concevoir. Répétés à perte de vue, leurs bouquets, semblables et différents, nuancés par la multiplicité des plans, ce sont des décors de Poussin, des préparations pour Watteau, de bleuâtres lavis pour arrière-plans de Fragonard. L’impression dominante, c’est la grandeur, exprimée par le moyen d’un discret camaïeu, et par quelques traits. La grandeur véritable s’exprime-t-elle autrement ? Je crois que notre principal génie français, fait d’ordonnance secrète et plutôt de lumière pénétrante que de foudroiements, se lit dans les contours expressifs et étayés, autant que dans les dégradations d’une couleur rudimentaire de ces paysages de Loire.

Ces horizons jamais prétentieux, mais cependant toujours ouverts, je les lis comme des pages immortelles. Est-ce Platon ? est-ce Virgile ? est-ce Montaigne ou bien Vauvenargues, qui ont noté les inscriptions fortes, substantielles et si séduisantes que je déchiffre avec un plaisir nouveau toutes les fois que je reviens sur ces rives ? Comme tantôt, aux maisons de Tours, mais ici en un langage de poète, qui va toujours plus profond, voici une sentence qui nous invite à ne point escalader les cimes sous le prétexte de voir de haut, ce qui est la manière de commettre bien des erreurs quant à l’appréciation des distances, mais bien de demeurer sur le sol qu’on touche d’un talon ferme, quitte à ne voir que ce qu’on peut, mais à le discerner. Une voix qui chuchote dans les feuillages nous inspire l’horreur des grands cris, du verbe emphatique, de tous les procédés qui servent à nous guinder pour duper les esprits crédules. Mais il me semble discerner aussi dans les hiéroglyphes décoratifs de ce fleuve l’insinuation d’environner toutes nos théories comme nos actions de je ne sais quels contours adoucis ou de quelle atmosphère tempérée, qui atténuent les affirmations péremptoires, le dogmatisme intransigeant, la présomption revêche et, en général, tout ce qui rend la vie si pénible aux pauvres humains dont le temps à vivre est si court !

L’intelligence rieuse ou souriante des grands génies français, comme elle se concilie avec le respect de l’ordre, avec l’équitable mesure des droits, avec le culte même de la sagesse, c’est par la méditation sur ces paysages-là qu’on le comprendra le mieux. A ces paysages-là, tout riches de sens par eux-mêmes et aussi tout chargés d’Histoire, un Renan eût pu très bien adresser une petite prière sur l’Acropole ! Les mots eussent été peut-être plus modestes, le lyrisme plus paisible ; l’esprit fût demeuré le même ; et le second chef-d’oeuvre, qui sait ? n’eût pas été moins heureux que le premier.

Je voudrais qu’à défaut d’un Maître, un maître d’école éclairé vînt là promener ses petits Tourangeaux, et leur apprît à lire, sur le visage même de leur pays, les lois d’une noble vie embellie par l’intelligence sereine et par le goût des formes harmonieuses. ° ° °

Nous arrivons à Langeais. Me permettrez-vous de vous dire que « mon goût du passé, des choses anciennes, et cette folle émotion qui me tire des larmes de joie à la vue d’une cour pavée où l’herbe pousse, je les ai eus pour la première fois dans un jardin de Langeais ? Cela descendait à moi du château, de ses beaux toits, de ses tours à poivrières et de ses ruines, que l’on voyait par-dessus la crête arrondie des marronniers roses. »

Si l’on n’était un peu sensible au charme des œuvres depuis longtemps exécutées et des vies écoulées bien avant les nôtres, les trois quarts de l’agrément qu’on peut éprouver au cours d’un voyage en Touraine seraient détruits. N’ayez pas peur du plaisir de regarder en arrière : il n’est néfaste que pour les peureux ou les faibles qui trouvent un charme excessif à vivre par la pensée dans un temps dont tous les dangers sont courus. Frôlons sans crainte, et avec toute la vénération et l’admiration qu’elles méritent, les noires murailles du magnifique château fort. Que n’avons-nous le temps de visiter l’aimable ville, sa belle église, ses ruisseaux canalisés, ses jardins, et aussi ses intérieurs de bonnes maisons bourgeoises qui me rappellent tant de choses… Ah ! si je vous disais… Mais si je vous disais cela, nous ferions ici un roman provincial. Je vous emmène déjeuner à Saumur.

Je tiens à aller jusqu’à Saumur, d’abord afin de trouver un pont où traverser la Loire, puis pour donner la main à la province vraiment sœur, l’Anjou, enfin pour vous ramener à Chinon par Montsoreau et Candes. Voyager en cette région sans passer par Montsoreau et Candes, je ne m’en sens pas capable.

Montsoreau est en Anjou, mais Candes, que rien ne sépare de Montsoreau, sinon une borne départementale, est en Touraine. ° ° °

Montsoreau et Candes forment le village-type des bords de la Loire. Tout d’abord, Montsoreau a un château ; un château en ruines bien entendu ; un château historique, naturellement, et, de plus, un château héros de roman. Ensuite, Montsoreau est planté sur la pente d’un coteau, d’où la vue est portée aussi loin que faire se peut ; il foule de son pied le ruban de la route qui côtoie le fleuve, et son chef est couronné de vignes. Mais ce qui le caractérise, à mon gré, c’est son style, son ancienneté, et je dois ajouter : son goût immodéré d’une ancienneté non altérée, c’est-à-dire d’une ancienneté qui n’a admis jamais, qui n’admet pas, qui n’admettra vraisemblablement en aucun avenir aucune espèce de restauration.

Dans la ruelle au sol difficile qui monte en serpentant entre des maisons qui ont dû faire la joie des dessinateurs, avant l’invention du kodak, je salue sur son pas une vieille femme, et je ne puis m’empêcher de lui faire compliment de sa jolie demeure :

 Holà ! non, qu’elle n’est pas jolie, me dit-elle, elle est vieille !...

Peu s’en est fallu que ma bonne femme n’ait cru que je me moquais en disant sa maison jolie ; car, évidemment, elle n’admet pas que ce qui est vieux puisse être beau. Pour les esprits sans complication, beauté et âge avancé s’excluent. Ne voyons là qu’un hommage rendu à la nécessaire jeunesse, à l’indispensable renouvellement des choses. Mais alors, pourquoi ces bonnes gens de Montsoreau, qui, pour la plupart, ont de quoi bien vivre, vivent-ils, en 1921, entre des murs auxquels on n’a pas touché depuis le XVIe siècle ? Tant que la pierre, ici, demeure étayée par la pierre, tant que le toit consent à ne pas s’effondrer, tant que la cheminée est assez haute pour tirer, nul ne s’aviserait de faire ce qui s’appelle des frais. C’est ici l’un des lieux les plus conservateurs de notre ancienne vertu d’économie ; ici, plus que nulle part peut-être, on se fera l’idée de ce qu’a pu être l’épargne française, l’endurance française, l’insensibilité française à ce confort venu de l’étranger, et aussi la méfiance du fonds de la nation contre toute méthode propre à bouleverser ce qui est : « Holà ! non, qu’elle n’est pas jolie, car elle est vieille. » Et le voyageur qui passe un peu rapidement est tenté de se dire que les habitants de Montsoreau ont plus de souci de garnir leur bas de laine que de sacrifier à l’esthétique. Détrompons-nous ! Les habitants de Montsoreau sont bien plutôt les derniers des nôtres à mettre aussi jalousement à l’abri nos reliques nationales que leur petite fortune. Il suffit, pour s’en convaincre, de gravir jusqu’un peu plus haut la ruelle au sol raboteux, et nous verrons en dessous de nous, comme un plan en relief merveilleusement exécuté, se dessiner le vieux village. Nous comprendrons qu’aucune de ces maisons ridées, lézardées, vénérables, n’a été construite sans une préoccupation d’élégance et d’esprit. Proportion savamment observée des hauts toits, spirituel concert des angles aigus lancés vers le ciel, sveltesses des façades latérales dressées d’un seul élan jusqu’à l’épi, grâce des corps de logis brusquement brisés pour entourer en retour d’équerre une courette, sourire de la tourelle d’angle, poésie ménagère des cheminées robustes !... Non ! non ! Si les habitants de Montsoreau ne souffrent pas qu’on touche à tout cela, c’est que, malgré leur goût pour la nouveauté, ils savent qu’hélas ! tout ce qu’on leur construirait de neuf serait une injure pour ce qu’ils nomment avec une nuance de dédain attristé, mais de respect aussi, « leurs antiquités ». ° ° °

Jusqu’à Chinon, traversant les villages à l’ombre fraîche des peupliers, ce sont les mêmes impressions, les mêmes senteurs que nous pourrons recueillir au début d’octobre.

J’ai fait le serment de ne point vous entretenir de choses trop connues. Je ne vais pas vous décrire Chinon ; mais comme je me suis proposé d’évoquer devant vous l’âme de la Touraine au moyen des choses qui, à mon avis, parlent le plus et s’expriment le mieux, savoir : le paysage et les maisons, je ne traverserai pas cette ville, l’un des plus précieux vestiges de l’ancienne France, sans vous prier de faire avec moi un simple petit tour dans la chère et admirable rue que je m’obstine à appeler rue Saint-Maurice, malgré le baptême laïque auquel la pauvre vieille a dû se prêter. Elle est tortueuse et étroite comme toutes ces rues d’autrefois, si intelligemment construites pour éviter, l’hiver, la bise et, l’été, l’excessive chaleur. Quelle heureuse humeur, faite de gentillesse, de grâce et de mutinerie, a appointé ces pignons, accroché là ces tourelles, disposé, pour nous combler d’aise, ces corps de logis hérissés et souples comme l’échine d’un jeune chat qui joue ! Une fenêtre, je le sais, n’est jamais qu’une ouverture ; comme une bouche, elle a ses contours, oui ; « mais d’où vient la forme qui touche » ? Pourquoi celles-ci, toutes vides, vieilles et ridées qu’elles soient aujourd’hui, évoquent-elles la jeunesse, l’espièglerie, la malice d’un visage qui se montre et qui se dérobe ? Quoi ! c’est le Moyen-Age si sombre, dit-on, qui a conduit ces traits si légers et si gais ? Et c’est la Renaissance, opulente et décorative, venue d’Italie, qui a joué ici à un jeu de si piquante fantaisie ? Quoi ! c’est le XVIIe siècle, majestueux et autoritaire, qui a bâti ces petits hôtels à cours fleuries, à lucarnes plaisantes, ces pavillons destinés à Cendrillon ou au Chat Botté ? Mais non. Aucun siècle, ni aucune influence étrangère n’ont suscité pareille grâce saine, équilibrée et drue, ni provoqué si fin sourire de la pierre, du bois et des ardoises ! Ici, entre la colline portant ses trois châteaux ruinés, c’est-à-dire portant près de dix siècles de souveraineté française jamais souillée, et le souvenir de Jeanne qui la transfigure et la spiritualise, entre cette colline vénérable et le cours de la Vienne, petite Loire verte et vivace, où passe un air qui a caressé les vignes et les ouvertures odorantes des celliers ; ici, comme en certains lieux privilégiés, se sent la présence d’un Génie local. Ce génie est aimable ; il est rieur ; mais, comme un enfant impitoyable, il a son caprice, parfois, et volontiers il secoue, il fouaille et même il sait mordre.

Ce génie, je le retrouve sur la physionomie de quelques gens du cru ; je le retrouve dans leur causerie, à certains bonheurs d’expression, à la malignité de leurs interrogations, aux amusants sous-entendus de leurs réponses, à la verdeur de leurs propos, à leur façon si particulière d’assembler quelques mots débités sur un ton uni, qui n’ont l’air de rien, et qui, pour peu qu’on y prête attention, vous brûlent ; à leur aptitude aux jeux, aux travestissements de la pensée, qui donnent à celle-ci comme un air de fête enfantine et une transparence cristalline, du plus aimable usage.

Après tout, ce que nous trouvons d’assez particulier à Chinon n’est peut-être que le dernier arome - avant l’évaporation - du flux vineux, capiteux, abondant, torrentueux, parfumé, que laissa dans les ruelles chinonaises l’étonnante source rabelaisienne. Ce déluge a fécondé la terre. Qui en a le mieux profité ? Non les grands, à ce qu’il me semble. Je ne le reconnais ni dans Paul-Louis Courier de qui le sarment vigoureux est trop épampré et un peu sec, ni dans Balzac, torrent lui-même, mais d’une eau moins scintillante et plus lourde.

Celui qui, à la large poésie que la Loire inspire, n’ajoute pas les dons que seul distribue le pays de Chinon, n’est Tourangeau qu’à demi. ° ° °

Eh bien ! mon Dieu, à tout prendre, la Touraine, pour ne point posséder de montagnes, n’est pas un pays si plat ; et sa figure, considérée avec attention, offre des expressions assez diverses. Une opinion commune ne veut voir en cette province qu’un lieu de promenade facile où la bicyclette roule sans effort et où l’on fait halte, tous les dix kilomètres, au pied d’un château. J’aurais pu vous faire faire cette promenade dans les parties de la Touraine qui constituent proprement le Jardin renommé. Mais le moindre guide y suffit. Nous allons donc laisser Azay-le-Rideau, pure merveille, au milieu de ses eaux dormantes, de ses pelouses, et de ses platanes à la sève inépuisable. Nous allons négliger Ussé, qui, à lui seul, semble toute une blanche ville endormie derrière ses grilles. Et le noble Villandry, Versailles de la Touraine, avec ses larges degrés, ses beaux promenoirs sous les tilleuls jaunissants, ses monumentales terrasses. Chenonceaux, l’incomparable, dans son décor d’eaux et de vignes vierges sanglantes, toute description ne saurait que l’amoindrir. Il faut le voir, un matin d’automne, par le soleil resplendissant, ou le soir, quand il s’évanouit parmi les brumes de la rivière, comme le portrait ancien d’une femme très belle, dans l’atmosphère irréelle d’un miroir terni… Notre programme nous conduit vers une partie de la Touraine moins brillante et moins fréquentée, mais où, entraînés que nous sommes à nous émouvoir à l’aspect de pauvres maisons et de ruelles, nous pourrons peut-être après tout, éprouver des surprises.

Osons pénétrer dans une région affligée en certains ouvrages du nom de « Touraine aride ». Aride, sans doute par opposition à la partie enchanteresse qu’occupent les quatre vallées d’eau ; mais, du Jardin de la France, cette contrée est, si l’on veut, le potager. Qui ne sait que, dans le plus beau des parcs, maint promeneur expert a une secrète inclination pour le potager ? Vous savez : ces plates-bandes assez régulièrement distribuées de part et d’autre d’une petite allée étroite que le jardinier foule de ses sabots quand il s’y accroupit pour piquer les choux et les laitues ou pour enfouir l’ail ou l’oignon ? Cela forme des tapis rectangulaires et dissemblables, la verte chevelure des carottes voisinant avec les tomates rubicondes, et la couche des melons sous cloches avec les ingrates rangées du poireau. Çà et là, un rectangle est en friche, ou bien, sous un réseau de fils bien tendus, dorment les graines confiées à la terre, pour l’an prochain, à l’abri du bec des oiseaux. C’est le spectacle que nous offre cette Touraine morcelée en petites cultures et dont la vigne et le blé sont les produits principaux. Vous la verrez ainsi longtemps, le long de la route qui vous paraîtra monotone, c’est possible ; vous la verrez ainsi du haut des terrasses de Loches, une ville où j’eusse beaucoup aimé à m’attarder sous les belles portes de la ville, sur le paisible Cours du Donjon ou dans l’inoubliable petite rue propre et blanche, qui côtoie la Collégiale, et où les abeilles, par milliers, butinent le lierre en fleurs, à grand bourdonnement : musique émouvante, sorte de basse fournie par la nature au chant des psaumes récités dans l’église voisine… ° ° °

Contrairement aux artistes, ordinaires amateurs de vues de plus grasse saveur, j’éprouve un vif plaisir à entendre le langage mesuré des paysages sans éclat. Ils expriment, d’une manière dépouillée, des idées nettes et fondamentales ; je me sens ramené par eux au commencement des choses et, par exemple, au dessin plutôt qu’à la peinture ; enfin à une simplicité qui tient lieu d’une cure pour nos esprits surchargés. Dans cette Touraine aride, le plateau de Sainte-Maure, où sont les Landes du Ruchard, est austère, dit-on. On y voit des ajoncs, des bruyères ; mais la terre porte-t-elle jamais vêtement de meilleur goût ? Les routes y sont bordées de noyers, - arbre méconnu ! Les plaines y sont soigneusement tondues ras par les troupeaux ; la silhouette du berger s’y discerne de fort loin, seul relief ; son chien lancé tout à coup comme une boule, y représente le seul mouvement apparent ; et le cri mélancolique des courlis en est le seul bruit, à la brune. Ah ! quel n’est pas le charme des paysages austères !

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« … O pierres ! ô noyers ! ô sol du chemin, dur comme le roc et dont le contact à mes semelles m’est plus agréable que des caresses, que contenez-vous ? qu’êtes-vous ? quelle âme en vous me chuchote ce langage obscur qui a la puissance d’une parole d’amour (4) ?... »

Cette âme, c’est celle du sol dont il semble que l’on a été pétri ; c’est bien là l’âme de la « petite patrie », et il est bon de s’exposer de temps en temps à la sentir : elle fait comprendre - à ceux qui en ont besoin - les motifs inconnus qui nous attachent à la grande.

Heureux celui qui, parcourant notre magnifique pays, arrive ainsi en tâtonnant, jusqu’au lieu plus sensible qu’aucun autre où il lui faut s’arrêter, ployer le genou sur quelques tombes et se laisser envahir par la nuée épaisse des souvenirs ! - Ayez à vous un lopin de terre en province ; menez-y vos enfants en bas-âge, afin qu’ils conservent dans leur chair même le souvenir d’un monde parfumé et sain, sinon le culte de cette nature dont on ne s’écarte jamais impunément pour la juste appréciation de toutes choses. - Heureux celui qui est né dans un moulin, au bord d’un ruisseau, ou dans la simple ferme isolée au milieu des guérets, et qui est capable de s’attendrir en entendant le triste chant des courlis qui disperse ses sons de flûtes désaccordées dans l’air assoupi du soir… car, alors, il n’est plus question de savoir si ce pays est beau ou si l’on y goûta le bonheur : c’est votre pays, et c’est le plus beau.

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