La Nouvelle-Calédonie : un enjeu stratégique

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jeudi 10 mai 2018

Le voyage d’Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie aura permis de replacer cet archipel au centre de la réflexion géopolitique. Pour la France comme pour l’Europe, il revêt une importance stratégique majeure qu’il est bien dommage de limiter à la seule question de l’indépendance et au référendum de novembre prochain. Face à une Chine conquérante dans le Pacifique et compte tenu de la richesse du sous-sol et de la mer, la présence stratégique française est de plus en plus indispensable dans cette zone.

Français depuis 1853

L’archipel de Nouvelle-Calédonie a été conquis par la France en 1853, avant que ne commence la grande expansion coloniale de la fin du XIXe siècle. Pour Napoléon III, il s’agissait de contrer l’influence des Anglais et des Hollandais dans le Pacifique et de trouver un espace libre pour fonder une colonie pénitentiaire. La population européenne est pour une part issue de la déportation des prisonniers et des condamnés. 2 000 communards sont ainsi déportés en Nouvelle-Calédonie après la Commune de 1871. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’archipel sert de base militaire aux Américains pour les opérations lancées contre le Japon. À partir des années 1950, l’archipel connaît une très forte croissance économique, grâce à l’exploitation du nickel (troisième producteur mondial) et un début de développement touristique. Dans le même temps, les indépendantistes kanaks se révoltent de nouveau et mènent des combats contre la présence française.

Une période difficile fut vécue entre 1984 et 1988, avec une série d’attaques menées par les indépendantistes. Cela a culminé avec l’attaque de la gendarmerie de Fayaoué le 22 avril 1988, durant laquelle quatre gendarmes ont été tués. Les autres sont pris en otage. Séparée en deux groupes, une partie des otages, menée par Alphonse Dianou, est enfermée dans une grotte, considérée comme sacrée par les peuples locaux. Le premier groupe est libéré au bout de trois jours, grâce à l’intercession des chefs coutumiers. Pour le groupe enfermé dans la grotte la situation se tend et dégénère, provoquant l’intervention de l’armée française qui aboutit à la mort de deux otages et de dix-neuf indépendantistes.

À la suite de ce drame, les accords de Matignon sont signés le 26 juin 1988, qui accordent davantage d’autonomie à la collectivité locale. Dix ans plus tard, en 1998, une suite est donnée à ces traités avec l’accord de Nouméa du 5 mai 1998. Celui-ci engage notamment un référendum sur l’indépendance au bout de vingt ans. Nous y sommes donc, et le référendum se tiendra en novembre 2018. Celui-ci n’est d’ailleurs pas sans poser des problèmes constitutionnels. La plupart des lois de Nouvelle-Calédonie sont contraires à la constitution, notamment le principe d’égalité qui n’est pas respecté. Un Parisien ne peut pas voter en Nouvelle-Calédonie puisqu’il faut dix ans de résidence pour pouvoir prendre part au vote. Il a donc fallu inclure la Nouvelle-Calédonie dans la constitution, pour éviter que le Conseil constitutionnel ne censure l’ensemble des mesures prises. On peut du reste s’étonner que l’on demande leur avis aux populations de Nouvelle-Calédonie, mais pas à la population française, qui devrait pourtant pouvoir s’exprimer sur la sécession d’une partie du territoire national. Lors de la sécession algérienne, un référendum avait été organisé en Algérie et un autre sur le continent. Le processus en cours dans ce dossier est le même que celui qui a eu lieu en Crimée : les habitants de Crimée ont pu voter sur leur indépendance, mais pas les habitants du reste de l’Ukraine. La France avait alors crié au scandale, sans avoir de gêne à faire la même chose avec ce territoire.

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