La France périphérique

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dimanche 28 septembre 2014

En faisant usage de la géographie pour comprendre l’espace national, Christophe Guilluy fait voler les cadres des anciennes représentations sociologiques et propose une nouvelle approche du territoire français. Alors que beaucoup d’études séparent le territoire en trois, métropoles, banlieues, zones rurales, Christophe Guilluy propose l’analyse d’une France divisée entre un espace mondialisé, connecté aux autres villes monde grâce à l’effet de métropolisation et un espace périphérique, composé de villes où les entreprises ferment et où la population subit de plein fouet le chômage, le déclassement et les difficultés de sortir de cette situation de pauvreté. Cette partition du territoire, entre une France qui bénéficie de la mondialisation et une France qui la subit, explique pour partie les choix politiques. La première France votant pour des partis qui acceptent la mondialisation, quand la deuxième choisit ceux qui la rejettent.
L’auteur montre que les anciennes représentations sociales, cols blancs, ouvriers, employés, immigrés, n’ont plus lieu d’être, car cette nouvelle configuration du territoire est tout autant une nouvelle configuration sociale. À cet effet, dans un chapitre stimulant qui ne manquera pas de susciter de nombreuses polémiques, il montre que les banlieues à forte présence de populations immigrées sont parfaitement intégrées dans la mondialisation, et que les populations qui y habitent sont beaucoup moins exclues qu’il n’y parait, et donc nettement plus incluses dans une France qui n’a pas toujours compris la nouvelle donne des banlieues.

Cette France périphérique se sent exclue, car elle est à l’écart des aides, des subventions et ne bénéficie pas d’un État providence qui sert la soupe des subventions à d’autres. Cette frustration engendre des mal êtres et des révoltes sociales, pour l’instant larvées et limitées, mais qui risquent de s’intensifier. Surtout, l’auteur montre qu’il devient de plus en plus difficile de concilier les deux France, car comment associer les perdants et les gagnants de la mondialisation, ceux qui en veulent moins et ceux qui en veulent plus ? C’est là aussi tout le dilemme des partis de gouvernement, qui doivent choisir un type d’électorat et élaborer le discours que celui-ci veut entendre.

Alors que les regards et les inquiétudes étaient tournés vers les banlieues, d’où devaient surgir les révoltes sociales, elles émergent en réalité des zones périphériques, que les politiques ont du mal à comprendre, et qui demeurent souvent sans solution réelle à leur proposer. Ainsi l’exprime l’auteur « La véritable fracture n’oppose pas les urbains aux ruraux, mais les territoires les plus dynamiques à la France des fragilités sociales. » (p. 24)

Une fois le livre fermé on ne peut que reconnaître que le battage médiatique autour de celui-ci est justifié. Non seulement les analyses sont justes et percutantes, mais l’ouvrage est écrit dans une langue accessible, ce qui permet au plus grand nombre de découvrir la richesse de la science géographique. On est gré à l’auteur d’avoir inséré un glossaire à la fin de l’ouvrage pour expliquer les termes techniques que les lecteurs peu familiers des études géographiques pourraient ne pas connaître.

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