L’art de perdre la guerre

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jeudi 15 juin 2017

Le XXe siècle a illustré un paradoxe : la nation la mieux armée et la mieux équipée sur le plan militaire n’est pas forcément celle qui gagne la guerre. L’Allemagne a perdu la Grande Guerre, les États-Unis ont été vaincus au Vietnam et les Soviétiques en Afghanistan, la France a certes gagné la guerre d’Algérie, mais c’était pour mieux en partir. C’est à se demander si la puissance militaire sert encore à quelque chose. En face d’eux, des guérillas, des hommes déterminés, connaissant le terrain, ayant le soutien des populations civiles et obtenant finalement la victoire. Perdre la guerre semble être devenu le nouvel art occidental. Nous sommes certes capables de frapper l’Irak et la Libye, mais nous n’en faisons rien après. Nous pouvons bien intervenir en Centrafrique et au Mali, mais sans pouvoir réellement influer sur le cours des choses.

Quand l’Occident se confronte au monde

L’un des grands changements des soixante dernières années c’est que l’Occident n’est plus en guerre contre lui-même, mais contre les autres ; et cela change tout. Jusqu’au XIXe siècle, l’Europe était divisée contre elle-même et les guerres se faisaient donc entre nations et peuples ayant un système de pensée et de réflexion identique. Il était possible d’établir un ordre du monde qui était un ordre européen et qui reposait sur l’équilibre des nations, sur le droit international, sur une communauté de destin. Que ce soit à Westphalie (1648) ou à Vienne (1815), tous les Européens partageaient le même sens de la diplomatie, de la négociation, du droit et des codes à tenir entre nations. Cette forme de pensée, qui est également une forme de vie, est construite et héritée de la réflexion chrétienne, notamment sur la guerre juste et l’établissement de la paix. L’idée, essentielle, que la guerre ne se fait qu’entre gens armés et qu’elle ne doit pas concerner les civils. Ce qui n’exclut pas les débordements tant il y a toujours un pas entre la théorie et la pratique. L’idée également que la guerre est un désordre qui doit permettre de restaurer un ordre ébranlé et donc de déboucher sur un nouvel ordre. La guerre permet de rétablir la justice et donc l’équilibre. Raison pour laquelle on tente toujours de négocier ou de trouver un médiateur. De Madrid à Berlin, de Londres à Paris, de Vienne à Rome, les chefs d’État et les militaires partagent tous la même culture et la même vision du monde ; c’est la forma mentis chrétienne et romaine.

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