L’Union latine, tentative de monnaie commune

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mercredi 15 juillet 2015

L’Union latine, ancienne tentative d’une monnaie commune

Le continent européen a déjà expérimenté une union monétaire, nommée Union latine, qui fut formée le 23 décembre 1865 et qui disparut en 1927. Certains y voient la préfiguration de l’euro, bien que son fonctionnement fut différent, même si son échec pourrait être similaire. L’Union latine est née de la volonté de Napoléon III d’unifier le continent. En créant une union économique, il pense pouvoir assurer la paix en Europe ; l’union économique étant le prélude à une union politique. Quatre pays sont membres fondateurs de l’union : France, Belgique, Suisse et Italie. La Grèce les rejoint en 1868. On ne pouvait pas faire moins pour ce pays qui venait de se libérer des Turcs, et qui avait fait vibrer la jeunesse européenne, en particulier Lord Byron, dans un vaste mouvement de philhellénisme. À son apogée, l’Union compte 32 pays, dont la Russie et l’Argentine. Le principe de l’Union latine est de créer un système monétaire international fondé sur le bimétallisme (or et argent). Les pièces nationales demeurent, mais elles ont toutes le même poids de métal précieux. On trouve ainsi des francs français, suisses et belges, avec leurs faces, mais au même grammage d’or ou d’argent. Ces pièces peuvent être utilisées dans les pays signataires. C’est donc un système qui établit à la fois une monnaie commune, sans totalement instituer une monnaie unique. Ni l’Angleterre ni la Prusse ne rejoindront l’Union. Pour Napoléon III, cet échec économique accompagne l’échec politique avec la guerre contre la Prusse en 1870.
L’Union survit aux crises économiques des années 1880-1890 et à la Première Guerre mondiale, même si elle se fragilise. Ce sont des questions financières liées au bimétallisme qui la mettent à mal. Avec la découverte de nouveaux gisements d’or, notamment en Californie et en Afrique du Sud, ce métal se dévalue par rapport à l’argent. Selon le vieux principe énoncé par Jean Bodin dès le XVIe siècle, la mauvaise monnaie chasse la bonne. Les pièces d’argent se raréfient, l’or est davantage usité. Se pose aussi la question de l’égale quantité de métaux frappée par les pays, alors que ces économies sont de plus en plus divergentes. L’égalité monétaire devient difficile à tenir. La sortie de l’Union est également prévue, puisque le traité est renouvelé par tacite reconduction tous les 15 ans, sauf dénonciation de la part d’une des parties.

Les permanences de l’Europe. Cette Union latine est révélatrice des permanences culturelles de l’Europe. La France en fut le moteur principal, à une époque où l’Allemagne n’existait pas encore. La Grande-Bretagne refusa d’y entrer. On y adjoint la Grèce, pour des motifs sentimentaux et historiques. L’union reposait sur un socle utopique plus que sur des réalités économiques. En revanche, fait intéressant, on constate que la vision latine était plus large qu’aujourd’hui. L’Argentine, le Brésil, le Chili et le Venezuela étaient membres de l’Union. Aujourd’hui, l’Europe s’est désintéressée de son Extrême-Occident et ne pense plus à l’Amérique latine. La Russie en était membre également. L’ostracisme n’était pas encore la règle vis-à-vis de Moscou. Au moment où l’euro capote, l’Europe aurait intérêt à regarder de nouveau vers ses périphéries culturelles.

Chronique parue dans l’Opinion.

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