L’Eglise en lutte contre la pédophilie

Vous êtes ici : Accueil > Articles > L’Eglise en lutte contre la pédophilie

vendredi 22 février 2019

Je réponds aux questions d’Atlantico.

Un sommet exceptionnel organisé par le pape autour de la question très critique de la protection des mineurs et adultes vulnérables à la suite de nombreuses affaires de pédophilies se tient ce jeudi au Vatican. Il rassemble toute la hiérarchie catholique mondiale. Cependant, la pédophile ne devrait pas être le seul thème abordé. Deux cardinaux, Burke et Brandmüller, ont adressé au pape une lettre ouverte appelant à briser le silence du "fléau de l’agenda homosexuel", remettant en cause l’action vaticane sur les questions de mœurs. Ces mêmes cardinaux avaient déjà ouvertement critiqué le Saint-Père il y a quelques mois. Doit-on voir dans ces "dubias" une affirmation d’une fronde conservatrice contre le pape ?

Cette réunion est dans la continuité d’une lutte constante contre les abus sexuels, menée dès la fin du pontificat de Jean-Paul II et poursuivi avec beaucoup d’abnégation par Benoît XVI. Les crimes sexuels qui ont été mis à jour et dénoncés remontent pour la plupart à plusieurs décennies et datent des années 1970-1980. Ils sont dans le mouvement de la culture hédoniste qui fait suite à la révolution sexuelle post Mai 68. L’Église n’est pas la seule institution touchée, et elle est moins touchée que d’autres institutions. Il faut rappeler, encore et toujours, que la plupart de ces crimes ont lieu dans le cadre familial. Puis viennent les associations sportives, les clubs de jeune, l’Éducation nationale.

Ils ont une résonnance particulière au sein de l’Église d’une part à cause de l’exemplarité morale de celle-ci, d’autre part parce que les ennemis de l’Église exploitent ces fautes pour salir l’institution. Les cas de pédophilie stricto sensu sont rares. La plupart des cas sont des relations avec des adolescents et des jeunes adultes.

Il y a deux lectures au sein de l’Église. Pour certains, ces actes sont la conséquence du cléricalisme et de l’abus de pouvoir, ainsi que de la chasteté que l’on impose aux prêtres. Dans cette vision, qui est soutenue par Frédéric Martel dans son livre, la chasteté est impossible, elle est même contre nature. Il faut donc permettre la libération sexuelle.

La deuxième lecture, qui est portée notamment par le cardinal Burke, mais aussi beaucoup d’autres prélats et intellectuels catholiques, est que ces crimes sont la conséquence d’un manque de tempérance sexuelle. Ils dénoncent un lobby homosexuel, qui essaye d’imposer son agenda au sein de l’Église pour briser la vision traditionnelle de la famille et de la théologie du corps. Ils espèrent aussi que les prélats qui ont commis ces crimes ne seront plus défendus et cachés, mais qu’ils pourront être condamnés, comme cela vient d’être le cas avec Théodore Mc Carrick, exclu de l’état de prêtre.

Ce sont bien deux visions de la théologie du corps, de l’intégration de la sexualité et de l’interprétation de la morale chrétienne qui s’affrontent. Ce n’est pas nouveau, cela remonte au moins aux années 1960 et à l’encyclique de Paul VI Humanae vitae. Mais, à tort ou à raison, l’aile progressiste estime que François est des leurs, et ils veulent profiter de son pontificat pour imposer leur agenda. D’où les tensions de plus en plus fortes depuis les synodes sur la famille.

"La première et principale faute du clergé n’est pas dans l’abus de pouvoir, mais dans l’éloignement de la vérité de l’Évangile", était-il aussi écrit dans la lettre ouverte. Faut-il y voir une critique de l’action papale en tant que telle ? Les accusations à demi découvertes de "pente progressiste" au sein de l’Église sont-elles justifiées ?

C’est bien de la doctrine catholique dont il s’agit. Cette réunion devra évoquer la question de la confession, que certains prélats considèrent comme dépassée et obsolète. Il faudra aussi évoquer la question du péché et de la morale. Les viols et les agressions sexuels au sein du clergé ne se régleront pas uniquement avec des règlements techniques ou des bonnes pratiques. C’est toute la question de l’ambiance pornographique de la société qui est posée.

On aurait tort de croire que cela concerne uniquement le Vatican et l’Église catholique. Ce qui se joue à Rome en ce moment concerne tout l’Occident. L’ambiance pornographique est diffusée partout, à la télévision, à l’école, dans les films et on en mesure aujourd’hui les effets désastreux. C’est avec beaucoup de lucidité et de courage que l’Éducation nationale tente de lutter contre le sexisme et les violences faites aux femmes, qui est un vrai enjeu de civilisation. Nous pouvons là aussi poser les mêmes questions. Qu’est-ce qui est la cause de cela ? Un abus de pouvoir ou la perte des repères sur les différences fondamentales entre les hommes et les femmes ? La sexualité est-elle un élément périphérique de l’homme ou bien l’élément central autour duquel tourne toute sa vie ?

Les débats qui agitent aujourd’hui l’Église catholique doivent se poser en dehors de celle-ci, car, comme nous le disions, ce sont toutes les institutions sociales qui sont frappées par le fléau de la pédophilie et des crimes sexuels. De nombreuses institutions internationales, dont l’Unicef, ont félicité l’Église pour la façon dont celle-ci avait pris conscience du problème et luttait contre lui. Dans de nombreux pays, les procédures d’enquête et de secours aux victimes instituées par l’Église servent de modèle aux autorités civiles.

L’enjeu de la protection de l’enfance et des plus faibles est beaucoup trop sérieux et grave pour sombrer dans de vaines polémiques.

Le Vatican est ces derniers jours sous le feu des critiques, notamment après la publication de Sodoma, enquête sur l’homosexualité au sein de l’Église. Comment s’exprime l’opposition sur cette question au sein de l’Église aujourd’hui ? N’y a-t-il pas une forme de floue ?

Nous en revenons à ce que nous disions au début de cet entretien. Il y a tout un mouvement dans l’Église qui veut effacer la doctrine morale de celle-ci et tout permettre, mais la position des personnes qui soutiennent ce mouvement est contraire à l’enseignement constant et fidèle de l’Église.

Sodoma ne fait aucune révélation. Pour qui suit les questions vaticanes, ces sujets sont connus de longue date. L’auteur exagère néanmoins beaucoup la présence de l’homosexualité au sein du Vatican, il généralise des cas isolés et il extrapole sur certaines personnes. Son propos n’est pas bienveillant. Il ne cherche pas à alerter l’Église sur ces problèmes mais à diffuser une idéologie. Il ne cherche pas à aider à la résolution d’un problème, mais à jeter du sel sur la plaie. C’est dommage, car la protection de l’enfance est un sujet grave et sérieux que tout le monde doit prendre à bras le corps, les chrétiens comme les autres. Il faut espérer qu’il sortira des choses positives de cette réunion ; afin d’arrêter les criminels et d’aider les victimes à se reconstruire.

A lire sur Atlantico

Thème(s) associés :

Par Thèmes