Hayek et la société de droit

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mercredi 17 juin 2015

L’Institut Coppet publie l’avant propos du livre de Philippe Nemo consacré à Friedrich Hayek. Cela permet au lecteur français de découvrir cet auteur, et de se familiariser avec l’école autrichienne.

Le nom de Hayek commence à être connu en France, depuis que Raoul Audouin a procuré, en 1980, 1981 et 1983, une traduction de Droit, législation et liberté[1]. Avant ces dates, Hayek était connu de quelques happy few, trois de ses livres avaient même été traduits en français[2]. Mais il avait été bien oublié depuis, malgré le prix Nobel d’économie décerné en 1974.

Son apparition sur le devant de la scène intellectuelle dans notre pays est due certainement en partie à l’expérience politique que celui-ci a traversée entre 1981 et 1986 et à la faveur que devait rencontrer, dans ce contexte, l’œuvre d’un des principaux théoriciens libéraux contemporains.

Cependant, il y a une autre raison, plus fondamentale. Les trois tomes du livre précédemment cité ne sont parus dans la langue originale qu’en 1973, 1976, 1979[3]. La traduction, en l’occurrence, ne répare donc pas un oubli, mais révèle une œuvre nouvelle et magistrale, qui a conduit à son aboutissement l’itinéraire scientifique de toute une vie. Peut-être est-ce seulement aujourd’hui, grâce à cette œuvre synthétique, dont Hayek nous dit[4] qu’il mit quelque quinze à vingt ans à l’écrire, à la fois complément et prolongement de l’autre œuvre maîtresse, The Constitution of Liberty (1960), qu’il est possible de mesurer pleinement l’apport de l’auteur à la tradition intellectuelle de la liberté et du droit.

Le but de Hayek, dans cet ouvrage comme dans les précédents, est de formuler clairement les principes et la logique d’une civilisation de liberté. Ces principes n’ont pas à proprement parler à être inventés d’ailleurs ils ne peuvent l’être, pour des raisons épistémologiques que nous examinerons en détail —, mais ils doivent être reformulés, non parce qu’ils auraient été « oubliés » comme quelque chose qu’on ne répète pas assez souvent, mais parce que les concepts par lesquels ils ont été explicités il y a deux ou trois siècles ne correspondent plus à notre vision du monde actuelle et, partant, ne peuvent plus convaincre les meilleurs de nos contemporains[5]. Il est nécessaire de les repenser radicalement, dans les catégories intellectuelles modernes et conformément aux idéaux de la science.

Hayek, de même que Karl Popper ou Michaël Polanyi, ses compatriotes de l’ex-empire austro-hongrois résidant comme lui à Londres aux alentours de la guerre, est un fervent admirateur des Anglo-Saxons. Mais Polanyi, dans la remarquable fresque où il retrace l’histoire du « nihilisme » européen[6], souligne que si les Anglo-Saxons ont échappé à ce nihilisme, c’est moins parce qu’ils l’auraient, avant tous les autres Occidentaux, dûment et exhaustivement critiqué au plan intellectuel qu’en raison de leurs profondes croyances morales, renforcées par de beaux restes de religion. Façon élégante, peut-être, de suggérer que le libéralisme anglo-saxon manque d’assises scientifiques et philosophiques, du moins de celles qui lui seraient nécessaires s’il doit avoir une validité pleinement universelle. Ce sont ces fondements que l’Européen Hayek entend apporter.

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