Géopolitique des séries

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mercredi 26 avril 2017

En 2008, Dominique Moïsi a publié un ouvrage qui a eu un grand succès : La géopolitique de l’émotion. Il a cherché à comprendre et à cartographier les émotions qui gouvernaient le monde et qui pouvaient expliquer les façons de vivre et de penser des peuples. L’espoir en Asie, face à la croissance économique, l’humiliation dans le monde arabe, la peur face au déclin en Occident. Ces émotions s’expriment dans de nombreux domaines culturels, dont les séries télévisées. Les scénaristes sentent le monde, captent les émotions des téléspectateurs, les influencent aussi puisque ces séries sont regardées par des millions de personnes. Ce ne sont plus les livres ni le cinéma qui façonnent les idées mondiales, mais les séries, diffusées à la télévision et, de plus en plus, sur les chaînes internet. Les regarder, les comprendre, c’est comprendre le monde qui nous entoure. L’auteur a donc regardé six des séries les plus populaires : Game of Thrones, Downton Abbey, Homeland, House of Cards, Occupied, Balance of Power. Des séries qui, pour la plupart, sont américaines, et toutes sont anglo-saxonnes. À elles seules, elles montrent que le monde anglo-saxon, en dépit d’un déclin réel ou supposé, est encore celui qui façonne le monde. Pour Dominique Moïsi, chacune de ces séries révèle une émotion particulière : la fascination du chaos, la nostalgie de l’ordre, l’Amérique face au terrorisme, la fin du rêve américain, le retour de la menace russe, la peur du monde qui vient.

Sa démonstration est d’autant plus convaincante qu’elle n’est pas celle d’un sociologue ou d’un médialogue, elle ne sombre pas dans le jargon pédant ou les démonstrations fumeuses. L’auteur va droit au but. Il regarde ces séries avec le regard du géopolitologue qui connaît le monde et qui essaye d’en décrypter les évolutions. Son étude n’est pas novatrice, car beaucoup de livres paraissent sur ces séries et avant elles, sur les films et les bandes dessinées, mais elle a l’avantage de parler des séries récentes, abondamment regardées par les téléspectateurs occidentaux. C’est un instant T qui sera probablement dépassé. L’inconvénient du genre est que les séries se suivent et se chassent : au terme de la saison il faut passer à autre chose et proposer sans cesse des nouveautés. Les générations passées ont eu Dallas, Star Treck, Code Quantum… Chaque génération a ses séries et chaque série révèle l’état d’esprit de la génération à laquelle elle s’adresse. Elles passent, et l’analyse du géopolitologue se transmute rapidement en décryptage de l’historien.
Toutefois, pour les séries analysées ici, le regard critique est convaincant. Cela permet de regarder ces séries différemment, en prenant une part de recul et en les observant dans leur diversité.

Pour les parents, c’est aussi un moyen de prendre connaissance des séries regardées par leurs enfants. Chacun a ses préférences. Les téléspectateurs de Downton Abbey ne sont pas ceux d’Occupied, et cela aussi est révélateur des émotions et des sentiments qui parcourent les opinions.

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