École de la confiance : rien de nouveau dans l’école d’État

Vous êtes ici : Accueil > Articles > École de la confiance : rien de nouveau dans l’école d’État

mercredi 13 février 2019

École de la confiance : rien de nouveau dans l’école d’État

Les députés commencent l’examen de la loi sur l’école proposée par Jean-Michel Blanquer. Il n’y a pas grand-chose à en attendre. C’est un salmigondis de procédures et de modifications administratives qui ne changent en rien le caractère étatique de l’école et qui n’apportent aucune liberté à l’existant. Retenons d’abord deux mesures liberticides.

Réduction de la liberté scolaire

La première concerne l’abaissement de la scolarité obligatoire à l’âge de trois ans. En apparence, cela ne change rien puisque près de 98% des enfants de trois ans sont scolarisés. En réalité, cela oblige tous les parents y mettre leur enfant à l’école, y compris ceux qui souhaitent leur offrir une éducation de qualité en dehors du système éducatif étatique. Un enfant de trois ans peut tout à fait apprendre à lire. Or, si l’apprentissage de la lecture se fait avec de bonnes méthodes, cela évite que l’enfant soit détruit par la méthode globale encore largement utilisée en CP. Les parents conscients des enjeux éducatifs ne pourront donc plus échapper à la mainmise de l’État sur leurs enfants. Pauvres enfants, qui devront subir les tourments de l’Éducation nationale pendant treize années, de trois à seize ans.

Dans le même temps, la loi renforce les contrôles sur les familles qui organisent l’école à la maison. Elles devront désormais être contrôlées tous les ans et fournir des garanties précises sur les contenus des cours. Bien évidemment, c’est la lutte contre l’islamisme qui est mise en avant pour défendre ces mesures, et la nécessaire défense « des valeurs de la République ». Ceux qui souhaitent donner à leurs enfants une éducation qui sort des chemins de l’école d’État en sont pour leurs frais.

Des mesures cosmétiques

La loi comprend des mesures qui servent à brasser du vent et qui n’apportent rien. Ainsi les Espé, écoles supérieures du professorat et de l’éducation, créées par Vincent Peillon en 2013, sont-elles remplacées par des INSP, des Instituts nationaux supérieurs du professorat. Avant 2013, cela s’appelait des IUFM. Changement de nom donc, ce qui suppose changements de panneaux, d’en tête des courriers et des sites internet, donc des frais. Mais les directions et les professeurs restent les mêmes : des agents qui versent souvent dans le sectarisme pédagogiste et qui n’ont d’autre ambition que d’envoûter les pauvres lauréats du concours et de leur inculquer le pédagogisme. Les futurs professeurs sont déformés pour toujours après deux ans passés à ingurgiter les délires de la novlangue pédagogiste.

Remplacer l’absence de professeurs

Ceux qui lisent régulièrement mes articles sur l’école vont finir par se lasser, mais, comme je le répète depuis quelques années, le grand défi de l’école d’État est qu’elle n’arrive plus à recruter. Plus de professeurs et un accroissement des démissions donnent des classes ingérables. La loi sur l’école de la confiance a donc trouvé une parade : faire assurer les cours par les surveillants. Il est ainsi prévu que les « assistants d’éducation », car on ne dit pas surveillant, puissent avoir des fonctions d’enseignement, s’ils préparent des concours d’enseignement. Dans la réalité, je parie que cette clause sera rapidement mise sous le boisseau. Voilà donc un moyen de mettre un adulte devant les élèves pour assurer les cours de mathématiques, de chimie ou de langue. De toute façon, le pédagogisme prévoit que l’élève doit trouver lui-même son savoir et aller pianoter sur internet pour faire ses cours. Un surveillant pourra donc amplement faire l’affaire, nul besoin de professeur pour cela.

Dans un entretien accordé au journal 20 Minutes le 8 février dernier, Jean-Michel Blanquer a annoncé son souhait que plus de place puisse être laissée au sport à l’école, et notamment des après-midis, le tout sur la base du volontariat. Pourquoi pas. On pourra toutefois rétorquer au ministre que les enfants ne vont pas à l’école pour faire du sport, mais pour apprendre à lire et à écrire et à former leur intelligence. Nul besoin de l’école pour faire du sport. Ce sera sur la base du volontariat est-il dit. La chose est donc claire : c’est une remise en cause, sans le dire, du collège unique. Il y aura les collèges avec cours l’après-midi et les collèges avec sport. On devine déjà quelle population se trouvera dans chacun des collèges. C’est là aussi un moyen de répondre à la pénurie de professeurs. S’il y a plus de sport, il y aura moins de cours, puisque les journées ne sont pas extensibles. Cela tombe bien : s’il y a pénurie de professeurs, il y a pléthore d’étudiants en Staps. On pourra ainsi supprimer des heures de cours et les remplacer par des heures de sport et ainsi camoufler l’absence de professeurs. Le ministre par ailleurs ne dit rien du financement de la mesure : communes, clubs sportifs, ministère ?

Recul sur la rationalisation

Jean-Michel Blanquer prévoyait de supprimer un certain nombre de rectorats afin que ceux-ci s’ajustent à la nouvelle carte des régions. Tollé dans les provinces, notamment à Limoges, où de nombreuses protestations ont eu lieu contre la suppression du rectorat. Tout le monde est d’accord pour que l’État fasse des économies, mais pas chez lui. Le ministre a donc reculé et maintient ce nombre pléthorique de rectorats, chacun avec ses bâtiments et son personnel administratif. Il faudra donc attendre pour les économies.

La fausse réforme du lycée

Enfin le monde du lycée est secoué par l’énième réforme en cours. Une fausse réforme en réalité, qui donne l’apparence de supprimer les sections générales alors que celles-ci sont maintenues, mais sous d’autres noms. Plus de ES, L ou S, mais des spécialités histoire économie, littérature ou mathématiques physiques. Bref, la même chose nommée différemment, comme pour les Espé devenus INSP. Pas de quoi crier à la réforme ou manifester devant les rectorats comme le font certains professeurs principaux. Les nouveaux programmes de Première ont été rendus publics, mais pas les nouveaux programmes de Terminale. Bon courage aux professeurs qui vont devoir préparer leurs cours sans savoir ce qu’il faudra enseigner l’année suivante. La pédagogie a besoin de visibilité sur le temps long et pour bien faire les choses, il aurait été utile d’informer les professeurs des programmes de Terminale valables à partir de 2020. Cela aurait pu permettre d’illustrer une véritable école de la confiance.

Article paru dans Contrepoints.

Thème(s) associés :

Par Thèmes