Dionysos

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dimanche 17 juin 2018

Apollon, nous l’avons vu, dieu du Soleil, de la raison et des arts, a pour pendant et pour contraste Dionysos. Ce dieu nous est familier, avec la vigne, avec le vin, avec les fêtes, il nous est connu pour la joie et l’ivresse qu’il développe autour de lui. Ce dieu nous est familier, et comme toujours dans ce cas cela signifie qu’il nous est largement méconnu. Car Dionysos a bien deux faces : celle de la fête et de la joie, celle du meurtre et des peines.

Sa naissance, déjà, s’ouvre sous les hospices du tragique. Il est le fils de Zeus et de Sémélé, la fille du roi de Thèbes. Mais Héra, l’épouse de Zeus, est jalouse de son mari qui l’a trompé. Elle décide donc de tuer Sémélé, pour cela elle arrive à la persuader de demander à Zeus de le voir dans toute sa gloire divine. Zeus accepte, et quand Sémélé le voit elle périt foudroyée. Toutefois Zeus arrive à sauver l’enfant qu’elle porte et le place dans sa cuisse pour qu’il termine sa gestation. A sa naissance Dionysos est confié aux nymphes du mont Nysa, d’où il tire son nom. La tradition veut que ce mont se trouve en Crète mais cela n’est pas sûr.

C’est ici que se place un autre événement tragique de sa vie : les hommes refusent de le reconnaître comme un dieu ; il est donc persécuté. Finalement il sort vainqueur de ces persécutions et terrassent ses opposants qui périssent tous. De cette opposition, notamment avec Penthée, le roi de Thèbes, naîtra une des plus célèbres pièces d’Euripide : les Bacchantes.

Dans les représentations du dieu Dionysos n’est jamais seul, il est toujours accompagné de satyres, de silènes et de ménades, toutes créatures dansantes et possédées. Un des plus importants aspects de son culte est la perte de personnalité, la déroute de soi, qui naît de son culte. Ses adorateurs, en extase et en proie à la folie sous le coup du vin dont ils avaient abusés, et de la poix et autres produits hallucinogènes qu’ils ont pu absorber, devenaient complètement fous. Sous le joug de cette folie ils s’emparaient d’animaux sauvages qu’ils déchiquetaient pour le manger cru, pensant ainsi manger le dieu et absorber sa puissance. Ces fêtes terribles, appelées bacchanales à Rome, ont amené tellement de désordres sociaux, de meurtres, de comportement contre nature, qu’elles furent interdites par les autorités de la ville en 186 av. J.-C.

Un autre élément marquant du culte de Dionysos est l’omniprésence du masque, symbole du renoncement à sa personnalité, et aussi moyen de se cacher et de se travestir. La perte d’identité, sous l’effet de l’incorporation de substances nocives et de folles extases est un des aspects majeurs de son culte. Dionysos est bien le dieu du chaos, de la démesure, du néant, bien opposé en cela à Apollon, image de l’ordre et de la raison. On comprend donc pourquoi ils sont si souvent représentés face-à-face, et pourquoi Nietzsche, le philologue fou, les a tellement opposés dans sa Naissance de la tragédie. Nietzsche n’a d’ailleurs jamais caché sa préférence pour Dionysos et sa détestation pour Apollon ; juste retour des choses pour celui qui fut frappé de folie démente un été à Nice, et qui a passé les dernières années de sa vie alité et complètement fou, avant de mourir dans des accès de démence.

Le sang et la mort sont donc des éléments familiers à ce dieu, de sa naissance à ses représentations. Le tableau fort célèbre du Caravage le représentant est d’ailleurs très ambigu. Certes on reconnaît tous les éléments de représentations traditionnels de ce dieu : la jeunesse efféminée, la thyrse et la vigne. Mais on se rend compte aussi que les fruits de la corbeille sont gâtés, que le sourire est mélancolique, que la lumière est déclinante. Dionysos laisse un arrière goût de cendre et d’amertume dans la bouche. Oui, ce dieu nous est connu, mais ce dieu est mal connu, on fait souvent erreur sur sa personne : on l’associe à la fête et à la joie quand il évoque au contraire la destruction et la mort.

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