Comment on devient Pierre Cauchon

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mercredi 25 avril 2012

Comment devient-on Pierre Cauchon ? Comment devient-on le juge de Jeanne d’Arc ? Comment en vient-on à prononcer un jugement de mort sur une personne dont on sait l’innocence ? Voilà la question que se pose le chartiste et historien Jean Favier dans l’ouvrage Pierre Cauchon, paru chez Fayard en 2010. Bien évidemment cette question est un prétexte à l’étude approfondie de la situation culturelle, mentale et morale de la France au XVe siècle. L’ouvrage ne se limite pas à l’étude de Pierre Cauchon, aussi intéressant que soit cet évêque, mais analyse le contexte politique et guerrier qui a vu l’émergence de cette classe de nobles.

Toute la première partie de l’ouvrage est ainsi consacrée à l’étude de la fameuse rive gauche de Paris, ce quartier latin qui est le cœur intellectuel de la capitale. À travers l’étude de la vie universitaire, du mélange et des rencontres entre les moines, les juristes, les clercs, naissent des échanges intellectuels féconds qui donnent naissance à cet esprit de corps.

La deuxième partie évoque, elle, la tourmente politique. Tourmente de l’Église qui subit un schisme terrible, partagée entre Rome et Avignon. Tourmente des politiques, depuis l’assassinat de Louis d’Orléans (1407) et la vague de contestation qui provoque l’apologie du tyrannicide. Tourmente sociale, avec le mouvement de Caboche et de Jean Petit, qui se développe en parallèle d’une tourmente dynastique, puisque la France n’a pas choisi celui qui serait son roi. Ces trois France qui se confrontent (Armagnacs, Bourguignons, Anglais) ne peuvent laisser indifférent le monde des professeurs et des universitaires. Bien sûr, il faut choisir. Face à cela juges et maîtres sont désemparés et désorientés, si bien qu’ils tentent de se mettre dans les pas du vainqueur ; jusqu’à condamner une innocente.

Pierre Cauchon est donc bien plus qu’un prétexte : il est un moyen de démêler un drame historique, un nœud coulant politique qui enserre la vie française et qui questionne les médiévistes. Il est aussi un moyen de dénouer les liens entre l’Église et l’État, et de voir comment l’État peut se servir de la caution de l’Église pour faire aboutir ses procès politiques et pour accroître sa main mise. Cauchon n’est donc pas un traître, et encore moins le traître national. C’est un évêque entré dans une machine politique soutenue par bons nombres de Français qui a ratée son entrée dans la machine de la postérité.

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