Bières : leçons de dégustation

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dimanche 4 octobre 2015

Je ne connais que deux biérologues en France : Hervé Marziou, le premier, et Élisabeth Pierre. Tous les deux dégustent, conseillent et font connaître la bière en France et à l’étranger. Si les sommeliers et les œnologues sont nombreux, les descripteurs de la bière sont en revanche très restreints. Peut-être que l’on pensait que cette boisson ne mérite pas d’analyses ou de commentaires, ou bien qu’on ne la prenne pas au sérieux. Il est vrai que la bière souffre d’un déficit de notoriété. Comme c’est une boisson peu chère, associée aux pizzas et aux frites, ainsi qu’aux terrasses d’été des bistrots, on n’imagine mal qu’il puisse y avoir des bières de garde et des types de très grande qualité. Face au vin, la bière souffrira toujours d’un complexe d’infériorité. Jules César, au temps de la guerre des Gaules, a tracé la ligne : d’un côté la civilisation, de l’autre la barbarie. D’un côté le pays où l’on boit du vin, de l’autre celui de la bière. Chez les Romains, la vigne est le symbole de la civilisation, de la culture, de l’aristocratie. La bière, boisson fermentée de céréales, demeure la petite boisson. Et c’est le vin que le Christ a choisi pour la transsubstantiation, non la bière. Même les bières d’abbayes n’ont pas réussi à lever cette boisson au niveau culturel du vin. Demandez aux Chinois et aux Japonais : ils rêvent de vin, non de bière. Quand il faut fêter un événement important, on débouche une bouteille de vin, on ne décapsule pas une canette de bière. La frontière culturelle, alimentaire et psychologique semble tracée de façon définitive.

Pour autant, la bière a ses chemins, ses histoires, et ses paysages. Lisez donc ces Leçons de dégustation d’Élisabeth Pierre. Le livre est admirablement bien fait. Les photos sont magnifiques, des paysages somptueux et des artisans au travail. On s’immerge dans l’art du brasseur et dans la beauté profonde des céréales fermentées et du houblon en fleur. On y découvre l’histoire de la bière, les secrets de la fermentation, les sagas familiales et des noms de grandes bières. Quelques adresses utiles pour découvrir de belles brasseries, à Paris et en province. Des mots justes pour s’initier au breuvage. Un parcours pédagogique pour s’immerger dans cette boisson.

Oubliez les mauvaises bières de supermarchés, les fausses bières d’abbaye et les eaux houblonnées. Oubliez les boissons amères et infectes, les goûts de caramel et les colorants artificiels. Avec ce livre, vous entrerez dans le monde riche et passionnant des bières ; et c’est un amateur de vin qui en fait la promotion. Avec ce livre, la bière se dote d’un langage, d’une réflexion et d’une systématisation qui permet à cette boisson de gagner quelques lettres de noblesse. Il manque encore la littérature à la bière, les lettres et les arts, quelques tableaux, quelques chansons paillardes et frivoles, quelques bons mots et des livres décrivant les terroirs et les paysages brassicoles. Il manque encore beaucoup à cette boisson pour atteindre le niveau de profondeur et de densité du vin. Mais la bière vous surprendra, et vous pourrez découvrir les somptueuses différences entre les brunes, les blondes et les ambrées, les bières de Belgique, d’Angleterre, d’Irlande et de France.

Nous sommes en période de coupe du monde de rugby. Si la France gagne, on débouchera le champagne. En attendant, devant les matchs, abandonnez les mauvaises bières, ces boissons qui, d’ailleurs, ne méritent pas le nom de bière. Ouvrez une Westvleteren, une Karmeliet, une Paix de Dieu, une Orval, une Bombardier…

Le monde des bières est immense. Merci à ces passionnés de nous aider à y entrer.

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