Algérie, secouez-moi

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jeudi 15 août 2019

La contribution de l’Algérie française à la gastronomie est grande. En cent trente ans de présence, les Français ont développé de nombreux produits toujours existants. Dans ce vaste cloaque de la Mitidja, peuplé de moustiques et générateur de fièvres et de paludisme, il a fallu trouver des contres poisons pour assurer la survie des hommes. L’asséchement des marécages et la mise en culture de la plaine ainsi fabriquée a permis de créer un vaste jardin d’arbres fruitiers, de céréales et de vigne. Gaëtan Picon, jeune pharmacien débarqué à Alger dans les années 1830, constate autour de lui la mort de nombreux Français victimes de ces fièvres et le dépérissement des soldats. Lui-même attrape le paludisme. Il se souvint alors d’une recette de grand-mère, macération d’oranges et de quinine, qui permettait de guérir des fièvres. Améliorée, grâce notamment au procédé de distillation, cette boisson vivifiante assura sa guérison. La nouvelle se répandit et Picon fabriqua à grande échelle cet amer africain, titrant à 21°C, qui permettait de détruire les germes de l’eau et de protéger du paludisme grâce à la quinine. L’amer africain Picon fut commercialisé en masse à partir de 1837. Aujourd’hui connu sous le nom de Picon, il sert de base à des cocktails, et notamment au Picon bière, largement consommée dans le Nord.

Autre invention, celle du Père Clément qui, dans son monastère d’Oran, croisa des orangers et des mandariniers pour avoir des fruits plus petits, mais juteux. Ainsi est née la clémentine, qui compléta la large série des agrumes méditerranéens. D’abord cultivée en Algérie, elle trouva ensuite une terre d’élection en Corse avec l’arrivée des Pieds-Noirs en 1962.

« Secouez-moi, secouez-moi » répète Orangina. Boisson à base d’orange, elle fut mise au point par Léon Beton, Français d’Algérie de Boufarik. Il découvrit le procédé de la pulpe d’orange gazéifiée lors de la foire de Marseille en 1936 ; procédé inventé par un pharmacien de Valence. Son fils, Jean-Claude, développa la marque Orangina à partir des années 1940, en Algérie d’abord, dans le sud de la France ensuite, après le retrait de 1962. Depuis 2009, la marque Orangina est la propriété du groupe japonais Suntory, l’un des principaux vendeurs de boisson au monde. La route gastronomique de l’Algérie passe ainsi par Osaka.

Les juifs d’Algérie ont eu aussi développé une gastronomie propre, mêlant la culture juive et les plats méditerranéens comme le kedid, viande séchée au soleil d’Afrique sur des cordelettes attachées dans les cours des maisons et la célèbre tchouktchouka, dont le nom évoque une musique orientale. Plat de poivrons et de piments mêlés d’oignons, de tomates et de paprika, la tchouktchouka est une variante de la ratatouille. Ces plats pieds-noirs, juifs et chrétiens, évoquent l’aridité et la pauvreté d’une terre magnifiée par les repas familiaux et amicaux ; une terre de déserts et de marécages devenue jardin de Méditerranée par le travail et l’abnégation des hommes.

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